« La nuit est belle ! » : Retrouver la nuit, c’est essentiel !

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Les photographies de la Terre prises de l’Espace montrent que l’énergie lumineuse est en grande partie gaspillée puisqu’elle éclaire en direction du ciel et non du sol. Ce gaspillage coûte cher et n’est plus tenable dans le contexte du changement climatique. © NASA EarthObservatory/Robert Simmon/Chris Elvidge/NOAA

Ces dernières décennies, l’augmentation de l’éclairage public a entraîné une intensification de la pollution lumineuse sur notre planète. Progressivement, les éclairages nocturnes sont devenus tellement omniprésents qu’ils ont fait disparaître la possibilité de voir le ciel étoilé dans toutes les zones urbaines.

Jusqu’aux années 1950, la plupart des humains pouvaient admirer les étoiles et la traînée laiteuse de notre Galaxie. Mais désormais, dans le ciel nocturne des grandes agglomérations, seules quelques étoiles brillantes et les planètes sont encore visibles, nous faisant presque oublier l’existence de ces astres et notre place dans l’univers.

Les astronomes ont essayé, dès les années 1970, de lutter contre l’augmentation de la pollution qui dégradait même les sites d’observation les plus reculés. Mais ce n’est pas la seule nuisance : les études en particulier de l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN) et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ont démontré que la pollution lumineuse a de nombreux impacts négatifs : dégradation de la biodiversité et de la santé humaine, augmentation de la consommation d’énergie et gaspillage.

L’événement « la nuit est belle ! » est une action ambitieuse qui a eu lieu le 21 mai 2021 et visait à faire une extinction totale de l’éclairage public pendant une nuit sur l’agglomération lyonnaise pour retrouver une « vraie » nuit. Le but de ce défi était de sensibiliser nos concitoyens à la disparition de la nuit et ses conséquences.

Cette action est largement multidisciplinaire car les raisons d’éteindre sont nombreuses :

1. Pour (re)voir les étoiles : les lumières empêchent de voir le ciel et d’observer les astres. La majorité des enfants du monde actuel n’a jamais vu la Voie Lactée… Pourtant l’observation de la voute céleste a largement contribué à faire de l’Humain ce qu’il est devenu, suscitant chez lui des questions fondamentales.

2. Pour préserver la santé humaine : l’éclairage nocturne a un effet néfaste sur notre cycle circadien. Si l’alternance des périodes de jour et de nuit n’est plus respectée, nos rythmes chronobiologiques sont perturbés entraînant des dérèglements dans la production de protéines et d’hormones telle que la mélatonine, conduisant à des troubles du sommeil.

3. Pour protéger la biodiversité : la flore et la faune nocturne subissent de plein fouet les conséquences de la pollution lumineuse. Celle-ci est la deuxième cause de disparition des insectes après les pesticides. Les papillons de nuit, les chauves-souris, les oiseaux, les mammifères sont très perturbés dans leurs capacités à se nourrir, à se reproduire ou à s’orienter.

4. Pour faire des économies d’énergie : l’éclairage public représente environ 35 % des factures d’une commune ! En ayant une démarche vertueuse et en visant une sobriété énergétique, les communes feraient des économies substantielles.

L’événement « la nuit est belle ! » a été créé par l’équipe du Grand Genève sous l’impulsion d’Eric Achkar et Pascal Moeschler: le soir du 26 septembre, 152 communes de la zone transfrontalière autour du Grand Genève (dont 76 communes françaises) n’ont pas allumé leur éclairage public représentant un territoire éteint de près de 1 000 km²1.

Cette première expérience d’extinction totale de l’éclairage public sur une vaste zone a été un vrai succès. Nous avons voulu associer la région de Lyon à la seconde édition de l’événement et le soir du 21 mai 2021, les communes de Brignais, Chaponost, Charly, Millery, Montagny, Vourles et Vernaison ainsi que Jonage et Meyzieu autour de Lyon n’ont pas allumé leurs éclairages publics2. De nombreuses animations étaient prévues.

Jenny Sorce (Centre de recherche astrophysique de Lyon – CRAL), la Société Astronomique de Lyon (SAL) et des élu·es de chaque commune participante ont participé à l’organisation de « la nuit est belle ! » sur Lyon, réalisée en étroite collaboration avec le Grand Genève.

Avec le Comité de Liaison Enseignants-Astronomes (CLEA) partenaire de l’opération, nous avons proposé en amont des activités pour les scolaires afin de les sensibiliser à la pollution lumineuse. Nous avons créé un carnet d’observations pour préparer les enfants à repérer les constellations et à comparer l’allure du ciel avec et sans les éclairages. Le livret a été utilisé par les médiateurs·rices sur le temps périscolaire dans plusieurs écoles et plus de 450 enfants ont ainsi préparé l’événement.

L’édition 2022 de l’événement est en préparation car il est urgent que les humains retrouvent la nuit. Il est essentiel de recouvrer le lien vers le ciel étoilé pour restaurer le lien avec notre Terre, ce petit vaisseau spatial magnifique et fragile que nous avons mis en péril.

Même si les astrophysiciens ont découvert de nombreuses exoplanètes, la Terre est unique et nous n’avons pas de plan B. Il est de notre devoir de la préserver pour la transmettre vivable à nos enfants.

Isabelle Vauglin, astrophysicienne au CRAL/CNRS – Observatoire de Lyon

 

1 https://www.lanuitestbelle.org

2 https://bit.ly/2QJPEZx

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