Accueil des jeunes publics : nouveaux dispositifs et réflexions au Muséum d’Histoire naturelle de Nantes

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Et si l’expertise du Muséum d’Histoire naturelle de Nantes (MHNN) en matière d’accueil des publics pouvait enrichir ma propre pratique de journaliste ? C’est la question à laquelle j’ai choisi de m’intéresser dans le cadre d’une résidence de trois jours menée en mars 2023 au MHNN.

 

Cette résidence, organisée en partenariat entre l’AMCSTI et l’association des journalistes scientifiques (AJSPI), aurait tout aussi bien pu être l’occasion de me plonger dans des sujets « à plus haute teneur scientifique » comme la gestion des collections ou la conception d’une nouvelle exposition, mais je déplorais déjà que les journalistes soient trop peu souvent au contact du public auquel ils destinent leurs articles. Ce contact est au contraire au cœur de l’activité des muséums. En échangeant avec Sylvie Le Berre, directrice du service des publics du MHNN, j’ai même réalisé que cette mission d’accueil a largement évolué dans l’histoire récente. De fait, l’image d’Épinal que je partageais encore il y a peu, celle d’un lieu essentiellement fréquenté par des familles le week-end et des scolaires la semaine, ne correspond plus à la réalité : le public scolaire ne représente que 17 % des visiteurs du MHNN ! Le Muséum de Nantes s’efforce désormais de proposer des accueils plus spécifiques, adaptés à une plus large diversité de profils : publics à mobilité réduite, publics « empêchés », tout-petits, adolescents, etc. La ligne directrice du service des publics du Muséum, « un musée ouvert à tous et pour chacun », résume d’ailleurs très bien cette évolution. Ce temps de résidence privilégié mais assez court passé au MHNN ne me permettant cependant pas de faire le tour de toutes les activités liées aux publics, j’ai donc choisi de m’intéresser plus spécifiquement à des animations originales destinées à deux tranches d’âge : les tout-petits (18-36 mois), et les adolescents. Deux catégories pour lesquelles je nourris un tropisme particulier étant moi-même jeune papa et collaborant régulièrement avec Science & Vie Junior, magazine destiné aux adolescents.

 

Animation « le muséum des tout-petits » – Crédits : Muséum d’Histoire naturelle de Nantes métropole

 

Commençons par l’animation pour les 18-36 mois, proposée depuis janvier 2022. J’ai d’abord été surpris par son existence même, pensant a priori que les tout-petits ne pouvaient retirer beaucoup de ce qu’a à offrir un muséum, et que ce dernier situait son action de transmission à un niveau plus « élevé ». J’ai pourtant découvert que des musées développent des dispositifs adaptés à ce public depuis plus de dix ans – tendance d’abord initiée par des musées d’arts, mais que les muséums n’ont pas tardé à suivre. Comme l’explique Guillaume Blouin, médiateur responsable de l’accueil des tout-petits au MHNN, cette animation répond à deux objectifs : d’abord familiariser l’enfant avec le cadre du muséum et lui donner envie d’y retourner, et ensuite lui apporter, si ce n’est des connaissances, une première approche sensible des sciences naturelles. J’ai effectivement pu constater en passant ce moment avec ma fille de deux ans que les enfants restent captivés du début à la fin. Concrètement, l’animation dure 40 minutes et se déroule le samedi matin à 10 h 30 en effectif réduit : 8 enfants et 8 parents. Le médiateur commence par raconter une histoire autour des animaux en s’appuyant sur plusieurs supports ludiques que les enfants peuvent voir, écouter et toucher : tapisserie illustrée, figurines, ombres chinoises, bande-son… S’ensuit une visite de la galerie de l’évolution qui leur permet de redécouvrir les espèces présentées lors de l’histoire. L’animation s’achève par la possibilité de toucher l’un des animaux de l’histoire dans sa version naturalisée, en fonction des possibilités et des réserves du Muséum. Enfin, les binômes enfant-parent repartent avec un petit kit en papier permettant de prolonger l’histoire à la maison. Depuis sa création, cette offre, qui a lieu tous les quatre mois, remporte un succès incontestable, tous les ateliers étant rapidement complets dès l’ouverture des réservations. Au-delà de l’attrait pédagogique, ce succès s’explique aussi selon Guillaume Blouin par le temps familial privilégié qu’il offre, dans un cadre autre que celui du foyer ou des activités en extérieur. Le Muséum ne souhaite pas cependant étoffer cette offre, principalement par limitation des moyens humains côté médiateurs. Ceux-ci doivent en effet rester disponibles pour des publics variés… Or réussir à maintenir de jeunes enfants impliqués et intéressés durant 40 minutes requiert un temps de conception et de préparation assez conséquent ! Le MHNN envisage cependant d’étendre cette offre aux structures de type crèche ou maison d’assistantes maternelles sur des créneaux de semaine. Cela permettrait de toucher des enfants venant de milieux plus divers, en particulier ceux dont les parents ne disposent pas des codes sociaux ou de la disponibilité nécessaire pour réserver l’animation à l’avance.

 

Visite des réserves muséales avec les stagiaires de 3ème – Crédits : Muséum d’Histoire naturelle de Nantes métropole

 

Pour les adolescents, le Muséum a récemment relancé des visites exclusivement dédiées aux 11-14 ans, sans parents. Cette offre a pour objectif de les captiver davantage que les visites familiales existantes, durant lesquelles l’animateur doit adresser son discours à un public plus large, et à des attentes parfois divergentes. Ces créneaux de 90 minutes sont proposés le mercredi à 16 h 30 durant les vacances scolaires. L’animation consiste en une visite commentée d’une exposition. Pour maintenir l’implication des participants – au nombre de quinze environ – l’animateur les répartit en quatre groupes mis en « compétition » dans une sorte de quiz. Les épreuves – QCM, question ouverte ou recherche d’une cible spécifique dans l’exposition – interviennent à la fin de chaque section de l’exposition. Ce dispositif permet de maintenir l’attention des participants et de relancer régulièrement leur intérêt. En proposant une offre réduite mais qualitative, le Muséum espère ainsi faire revenir certains adolescents. D’une part, car ils seront le public « jeunes adultes » de 2030, mais surtout parce qu’ils constituent déjà en soi un public que le Muséum souhaite attirer davantage, la tranche d’âge représentant un faible pourcentage des visiteurs de l’établissement.

C’est dans cette optique que le Muséum a aussi mis en place depuis 2009 un accueil adapté aux stagiaires de troisième car les candidats sont nombreux chaque année – environ 400 élèves reçus en 10 ans. Ceux-ci sont accueillis en petits groupes par un médiateur qui leur fait découvrir l’ensemble de l’équipement et de la structure, son fonctionnement et ses métiers. Plusieurs semaines sont réservées à cet effet dans l’année. L’avantage d’une telle organisation est de maximiser non seulement les découvertes scientifiques mais aussi l’ouverture professionnelle que les stagiaires retireront de cette expérience, eux qui envisagent souvent la poursuite d’études scientifiques. A titre d’exemple, j’ai pu accompagner Jonathan Orain, médiateur du MHNN responsable de l’accueil du public adolescent, ainsi que trois stagiaires de troisième lors d’une journée dédiée à la visite des réserves du Muséum, habituellement fermées au grand public. Cette journée a donné l’opportunité aux stagiaires de découvrir les collections, comprendre comment le Muséum les acquiert et les gère, discuter avec les conservateurs et maquettistes, ou encore mesurer l’évolution de la logique muséographique au cours de l’histoire (de la « galerie de curiosités » au questionnement de la démarche scientifique). Selon Sylvie Le Berre, accueillir ces adolescents permet aussi de toucher leurs cercles familiaux et amicaux. A titre d’exemple, l’ensemble des stagiaires est invité une ou deux fois par an à une soirée durant laquelle le Muséum leur est réservé ainsi qu’à leurs proches.

Lego Serious Play ® avec les stagiaires de 3ème – Crédits : Muséum d’Histoire naturelle de Nantes métropole

 

Durant ces stages, la transmission ne se fait cependant pas à sens unique : le Muséum apprend aussi de ces adolescents pour améliorer son accueil. C’est dans cette perspective que Jonathan Orain anime des discussions-débats ou des ateliers « Lego serious game » durant desquels les stagiaires sont invités à présenter une ébauche de leur musée idéal. Voici quelques suggestions (parmi d’autres) qui reviennent régulièrement : « attirer le public avant la visite… sur les réseaux sociaux » ; « aussi, montrer les ratés de la science » ; « pouvoir visiter les réserves » ; « plutôt mettre des microscopes qu’on peut manipuler soi-même ». Autre leçon plutôt contre-intuitive : ces adolescents ne sont pas en demande d’un numérique omniprésent lors de la visite du Muséum. Ils apprécient aussi ce temps relativement déconnecté dans un cadre déjà immersif par sa conception même. Des leçons fort utiles : elles alimenteront les réflexions du Muséum en vue de sa rénovation architecturale et muséographique prochaine.

Pour ma part, si l’expérience est un peu courte pour pouvoir dire que j’en connais désormais beaucoup plus sur le public auquel je destine mes articles, je retire néanmoins un grand plaisir d’avoir pu entrer dans les coulisses du MHNN et comprendre comment ses équipes concevaient leur travail.

 

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