À Nantes, l’association Belles de Bitume a pour objectif de sensibiliser les habitants à la biodiversité de leur ville.
Dans les villes, les services des espaces verts laissent sa place au végétal : il s’insère dans les fissures et tache en couleurs la grisaille du macadam. Partant de ce constat, l’association Belles de Bitume sensibilise les habitants à la biodiversité de Nantes. Les habitants sont mis à contribution individuelle afin que chacun puisse se réapproprier son quartier : à la fois en observant, regardant, mais aussi en participant, en identifiant, et encore en partageant et en transmettant. Il oriente ensuite le regard de chacun lors de ses cheminements quotidiens.
D’où est née l’idée d’écrire les noms des plantes des rues sur le sol de la ville ?
C’est simple et pourtant je me suis longtemps creusée la tête en me demandant comment j’allais pouvoir étiqueter ces plantes dont je souhaitais faire découvrir l’identité aux passants : carton, bois, métal… sur les murs, les trottoirs, à la patte à fixe, à la visseuse ? J’ai proposé un projet culturel à la mairie de Nantes, impliquant les habitants des quartiers, qui contenait l’idée encore inaboutie. Et, c’est après l’une des réunions de préparation, que « l’idée » de la peinture sur le sol m’est venue. Depuis le projet a été déposé.
Comment se déroule une sortie ?
Ce sont des promenades vivantes qui se partagent avec les gens. Dans cette aventure se mêlent donc écriture, botanique, poésie et science. L’intention semble scientifique, puisqu’il s’agit d’attirer l’attention sur les plantes et leur nom, mais nous donnons les noms vernaculaires plutôt que les noms latins. Nous souhaitons que ce projet parle à chacun sans restriction.
Plutôt que d’étiqueter en solitaire le nom des plantes sur le trottoir, je me promène avec mes amis, un botaniste, et ma « chariote » que je nomme « La BELLE = Boite Écritoire, Lecture Légende en Excursion », je laisse les gens écrire eux-mêmes le nom de la plante que nous leur faisons découvrir. C’est du graff de rue que nous souhaitons beau simplement parce que cette trace au sol, qui donne une identité aux petites sauvages de nos quotidiens, est belle.
Cette charrette à bras est un élément essentiel du projet ?
Tout à fait. Elle a été aménagée pour venir à la rencontre du public. Décorée de pots de plantes vernaculaires, elle contient aussi une dizaine de livres de botanique, plusieurs litres de tisane chaude ou froide, nos petits pots de peinture avec les pinceaux, des classeurs avec des textes sur les plantes écrits lors d’ateliers d’écritures, ainsi que des photographies de plantes.
Avec ma sœur, Sylvie, nous inventons des mélanges de tisanes que nous offrons au cours de la promenade. L’angle d’attaque reste « les mots », je veille à nommer plutôt des plantes aux noms qui parlent comme : « Dent de lion », « Ruine de Rome », « Herbe aux mamelles » ou « Bourse à Pasteur » plus parlant que Taraxacum ou Cymbalaria muralis.
Je mime, je lis des textes et je lis des contes courts sur les plantes. Toute la partie spectacle est aussi un moment fort de la déambulation. C’est un projet artistique : les mots, les contes, l’écriture, le graff de rues lui donnent sa couleur et la charrette est en quelque sorte notre fond de scène.
À quels publics sont destinées ces promenades ?
Nous sortons avec des enfants, des familles, des personnes âgées, des jeunes, des femmes qui ne savent pas écrire dont nous guidons les mains qui tiennent le pinceau. Le 17 Juillet 2014, ce sont des enfants du quartier Bellevue qui ont écrit le nom des plantes au sol. Nous avons écrit sur le bitume dans la cour réservée aux centres aérés, puis nous sommes sortis écrire aussi dans la rue. Moment fort puisque soudain, la rue appartenait aux enfants au même titre que la cour des centres aérés.
Nous circulons dans les quartiers où poussent, le long des trottoirs, des plantes sauvages et un peu de mauvaises graines de voyous. Nous racontons aux enfants et aux adultes des quartiers que les angles de leurs trottoirs sont magiques que des plantes célèbres y poussent et que chacun des arbres du quartier est habité par une nymphe, sorte de fée, qui naît, grandit et meurt avec l’arbre. Et nous ouvrons les portes de l’imaginaire sur les trottoirs délaissés.
Cela me fait plaisir de nommer les herbes folles des quartiers avec notre charrette, nos tisanes maison dans nos thermos personnels, nos gâteaux faits maison. Je les aime ces pinceaux de récupération que nous tendons aux passants et aux enfants pour qu’ils écrivent avec notre peinture fabriquée.
Les écritures restent-elles ensuite dans les rues de la ville ?
Ce sont des déambulations contées, mais c’est la trace qui a été vue : ces noms que nous avions laissés sur le trottoir, et les photographies ont circulé à toute vitesse autour du monde. J’espère que la façon dont nous menons nos rencontres vers les plantes et les gens contribue à l’âme du projet. À quoi servirait-il en effet que d’écrire machinalement et de façon « efficace » et répétitive le nom des plantes sur le sol ? Trop d’information tue l’information. Nous souhaitons que nos déambulations se fassent toujours dans un esprit de convivialité et de partage. Il s’agit de faire se rencontrer les plantes et les gens mais aussi les gens entre eux au cours de ces échanges autour des noms poétiques des plantes.
Page facebook de la communauté Belles de bitume.