La région Auvergne-Rhône-Alpes compte plus de 1 200 événements lors de la Fête de la science, rassemblant ainsi 500 porteur·ses de projets variés. C’est la première région industrielle de France, avec plus de 505 000 emplois répartis sur 61 000 sites. Pourtant, l’implication des industriels reste un défi. En 2023, seuls 10 % des porteur·ses de projets en Auvergne-Rhône-Alpes étaient des industriels. La coordination de l’Ain est celle qui mobilise le plus les industriels avec 25 % d’entreprises porteuses de projets.
Cet article explore la dynamique qui anime la Fête de la science en Auvergne-Rhône-Alpes, en mettant en lumière la stratégie d’Altec, le Centre de Culture Scientifique et Technique (CCSTI) de l’Ain, pour encourager la participation des entreprises.
Altec, une association aindinoise proche des entreprises
Basée à Bourg-en-Bresse, Altec a été créée il y a 20 ans au sein du pôle technologique Alimentec, spécialisé en emballage agroalimentaire et en sécurité sanitaire des aliments. Les industriels siègent au Conseil d’administration depuis la création de l’association. L’Ain compte parmi les départements les plus industrialisés de France, avec 21 % de ses emplois provenant du secteur industriel, contre 12 % en moyenne nationale. Bien que la région et le département soient densément industrialisés, la participation des entreprises à la Fête de la science était faible au départ. Lors de la première édition coordonnée par Altec en 2003, seulement 2 % des acteur·rices étaient des entreprises. Le CCSTI a réorganisé progressivement sa coordination de la Fête de la science autour d’un comité de pilotage, chargé d’appuyer la coordination départementale en veillant notamment à la diversité et au renouvellement des porteur·ses de projets de cet évènement. Résultat, la participation des industriels a augmenté, passant à 10%, puis à 15 % en 2018, pour finalement dépasser les 20 % ces dernières années.
ALTEC place, en effet, au cœur de son projet associatif et stratégique, la nécessité de mettre l’industrie au centre de la CSTI aindinoise, pour permettre non seulement de mieux comprendre le monde technologique dans lequel nous vivons, mais aussi de recréer du lien entre les habitant·es et leur territoire. C’est pour cette raison qu’Altec travaille également en dehors de la Fête de la science, et tout au long de l’année, sur des projets variés en lien avec le monde industriel pour faciliter les échanges futurs, notamment pour la Fête de la science. Du côté des entreprises participantes à la Fête de la science, plusieurs d’entre elles ont vu les bénéfices de cette collaboration, comme le groupe de plasturgie Hyléance qui propose des visites de site pendant l’évènement : « Le groupe Hyleance est très jeune et ce type d’initiative contribue à mieux nous faire connaître. Un des objectifs est de changer le regard du public sur les métiers de la plasturgie. Nous voulons montrer le dynamisme et l’engagement qui nous animent au quotidien afin de faire évoluer notre profession» précise Régis Pellizzari, Directeur de TMP industrie/MTI et BMP. Participer à la Fête de la science est également une opportunité pour les entreprises de faire un « pas de côté » par rapport à leurs activités habituelles et proposer ainsi à leurs salarié·es une approche différente de leur métier. Certaines entreprises apprécient notamment l’épanouissement ressenti par ces dernier·ères, qui peuvent ainsi valoriser leurs savoir-faire et faire évoluer la perception des publics sur les métiers industriels.
Selon Régis Pellizzari, « le groupe Hyléance utilise plusieurs technologies (injection et extrusion soufflage) qui sont parfois méconnues du public. Nous avons à cœur de faire découvrir ces technologies et les nombreux métiers qui sont en lien avec nos procédés de fabrication. […] Le monde de la plasturgie est de plus en plus galvaudé ; on parle en effet avant tout de plastique bashing. […]. Durant la visite, nous avons pu mettre en avant les nombreuses actions de réduction des déchets, d’utilisation de matières recyclées et de matières vertes. Nous avons pu mettre en avant notre capacité à innover, à développer notre agilité et à orienter l’entreprise dans une démarche RSE ».
Un travail de longue haleine
Faire progresser la participation des entreprises au sein de la Fête de la science est un travail de longue haleine, dont la première difficulté est d’entrer en contact avec la bonne personne. Après plusieurs tâtonnements, la stratégie la plus efficace pour Altec a été de passer par les fédérations et groupements d’entreprises, dont la plupart des filières industrielles sont équipées. Il devient alors possible d’identifier rapidement des entreprises, d’avoir des contacts pertinents et d’asseoir sa crédibilité. Une fois le premier contact établi, il est important de pouvoir offrir à l’entreprise un panel de propositions d’activités pour lui permettre de se projeter facilement dans une forme de médiation où elle sera à l’aise. Cela peut être l’invitation à un village des sciences, une intervention lors d’une conférence ou une visite de site.
La force des CCSTI est également de pouvoir offrir un accompagnement aux industries, qui ne sont pas toujours familières de l’organisation d’évènements culturels : choix du créneau le plus adapté au public visé, vulgarisation et adaptation de la médiation en fonction du public accueilli, ou encore gestion de la logistique de l’événement, comme la billetterie ou la communication externe. L’accompagnement du CCSTI doit aussi tenir compte des contraintes techniques propres à chaque entreprise. Comme en témoigne Régis Pellizzari : « Nous devons limiter le nombre de participant·es à 15 maximum afin de permettre une visite d’usine dans des conditions optimales de sécurité et pour faciliter la communication autour de chaque process de fabrication. »
Sophie Courtinat (DRARI Auvergne-Rhône-Alpes), Isabelle Bonardi (Université de Lyon,
coordination régionale de la Fête de la science) et Guillaume Poncelet (ALTEC – CCS
TI de l’Ain, coordination départementale de la Fête de la science pour l’Ain)
en visite dans l’usine ROVIP du groupe Hyléance – Crédits : Visée-A – Fête de la science 2022
Une opération gagnante !
Même si elle demande des efforts parfois importants pour l’entreprise, la participation à la Fête de la science est souvent une opération gagnante. Sur les trois dernières participations du groupe Hyléance, toutes les visites ont été complètes et ont attiré un public mixte: 45 % des visiteur·ses étaient des femmes. L’une des clés de la réussite était de proposer ces visites après 17h, pour permettre aux personnes actives de participer. « Une grande satisfaction s’est dégagée de cette visite par le partage de notre expérience, de notre vision sur l’évolution de notre métier. Ce fut un moment très riche, avec un public très réceptif, curieux et qui nous a posé de nombreuses questions. » souligne Régis Pellizzari.
Du côté des visiteur·ses, la découverte des entreprises du département, souvent proches de leur domicile, est également une belle opportunité. Pour Madame L., enseignante, c’était l’occasion de « se rendre compte des compétences requises pour travailler dans ce domaine afin d’aider à l’orientation de mes élèves de 3ème ». Cette visite lui a également permis de poser un nouveau regard sur l’industrie : « Les locaux sont impeccables (je m’attendais à beaucoup plus de poussière par exemple) mais bruyants. Il y a peu d’employé·es dans l’entreprise et une importante robotisation ».
L’industrie fait partie intégrante de notre société. Ces visites sont l’occasion de répondre à des questions citoyennes. Pour Régis Pellizzari, « au-delà de la présentation de l’entreprise, de nos technologies et savoir-faire, nous avons principalement mis l’accent sur les mesures concrètes déployées pour réduire nos consommations énergétiques, augmenter la recyclabilité de nos produits, réduire nos rebuts tout en fabricant des produits répondant pleinement aux attentes de nos clients. »
Ce discours est également attendu par le·la visiteur·se: « Les impacts écologiques de l’industrie plastique sont forcément dans nos têtes lors de visites d’entreprises comme Hyléance. […] Les échanges nous ont aussi permis de comprendre que le choix de la matière première est toujours guidé par le cahier des charges imposé par le·la client·e, cahier des charges qui détaille les caractéristiques techniques qu’il·elle souhaite obtenir pour son produit fini » (Cécile R.).
Et demain ?
Dans un contexte de développement du tourisme industriel, les CCSTI offrent une approche plus immersive de la découverte scientifique et technique, par le biais d’expériences interactives, de visites et de conférences. L’accompagnement, par un médiateur ou une médiatrice, constitue une véritable valeur ajoutée pour les industriels et les visiteur·ses, garantissant une expérience qualitative et enrichissante. Dans l’Ain, les acteur·rices de la Fête de la science sont désormais plus diversifié·es et proposent des actions avec des médiations et des résultats différents. Toutefois, ce processus reste long et un travail d’acculturation des entreprises à la médiation scientifique est nécessaire pour faciliter la création de liens entre culture et industries. Les industriels ont souvent une compréhension limitée de la médiation scientifique et il est nécessaire de les sensibiliser à la plus-value qu’elle peut apporter pour répondre à leurs objectifs, comme la valorisation de leurs compétences ou la promotion des métiers industriels.
La Fête de la science en Auvergne-Rhône-Alpes
Organisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la Fête de la science propose à tous les publics des milliers d’événements originaux et participatifs. Elle permet à des milliers de scientifiques, médiateur·rices, bibliothécaires ou professionnel·les de s’investir pour partager avec les publics leur enthousiasme et curiosité pour les sciences, les techniques et les innovations à travers de multiples ateliers, conférences, visites. Elle est l’occasion de sensibiliser les publics aux sciences et à leurs enjeux, de favoriser le partage des savoirs, de valoriser le travail de la communauté scientifique et de susciter des vocations.
En Auvergne-Rhône-Alpes, la coordination régionale de la Fête de la science est assurée par l’Université de Lyon en lien avec 9 coordinations départementales