Les notions de démocratie culturelle et de droits culturels affirment la légitimité pour tout un chacun d’accéder et de prendre part à la vie culturelle dans nos institutions. Selon la formule consacrée, “les publics sont au cœur de nos projets”. Ainsi leur participation est vivement encouragée pour contribuer à l’élaboration d’offres culturelles en phase avec les aspirations qui traversent notre société. Qu’en est-il de ces principes et de ces injonctions dès lors que l’on s’adresse aux enfants ?
Aux musées, petit citoyen !
L’engagement des publics dans le travail muséographique, sous quelque forme qu’il soit, est aujourd’hui un axe de développement fort dans les musées et centres de sciences. Pour certains, cette idée de musée participatif, à la fois acteur et chambre d’écho de la société, doit faire partie intégrante de la définition même du musée. 1 Loin du simple effet de mode, ces pratiques sont aujourd’hui une réalité dans de nombreuses institutions à des degrés divers et participent à conférer un véritable rôle civique aux musées.
Une institution ouverte sur la société, par et pour des citoyens, c’est entendu. Un angle mort subsiste toutefois dans cette représentation : les enfants. Quelle place leur accorde-t-on dans ces dynamiques ? Sont-ils des citoyens “comme les autres”, ou bien des “proto-citoyens” en formation ?
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) nous rappelle que l’enfant, au même titre que l’adulte, dispose de droits fondamentaux, notamment « le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant ». 2 Il convient donc de veiller à donner aux enfants – en tant que citoyens à part entière – la possibilité de participer à l’adoption des décisions dans tous les domaines qui les concernent. Comment cela se traduit-il dans un équipement culturel dédié au jeune public ? Quels sont les changements à opérer pour favoriser notre collaboration avec les enfants ?
Des expositions pour enfants… par des adultes
“Muséographe pour enfants” est un métier bien particulier. On conçoit des parcours de visite et des éléments d’exposition pour aider les enfants à grandir. Pour faire cela, on lit des livres et des articles, écrits par des adultes, on regarde des vidéos, réalisées par des adultes, on rencontre des spécialistes de l’enfance et du sujet, qui sont des adultes. On travaille avec des scénographes, des graphistes, des « manipeurs » qui sont eux aussi des adultes.
Comme si faire des expositions pour les enfants était une affaire d’adultes. Pourtant, nous sommes au service des enfants. Faire sans eux semble pour le coup paradoxal, à l’encontre de leur droit de s’exprimer et d’être entendus sur les questions qui les concernent. Des expositions qui aident les enfants à grandir, ça les concerne au plus haut point !
Il est grand temps de faire avec les enfants et de les considérer pleinement comme acteur-créateur de culture scientifique à l’image de leurs propres expériences et de leur génération.
Enfant, qui es-tu ?
Derrière l’apparente praticité d’avoir un public cible très spécifique, les 3-12 ans, se cache une réalité bien plus complexe. Entre un enfant de 3 ans et un pré-adolescent de 12 ans, il y a un monde. On s’imagine mal interroger ces deux enfants sur le même sujet ou de la même manière. La théorie, c’est bien. Adossée à la pratique c’est encore mieux !
Pour garantir une visite réellement adaptée aux besoins des enfants dans toute leur diversité, nous devons donc aussi les connaître par l’intime, à travers leurs récits d’expériences et leurs imaginaires : accueillir leur parole sans filtre, écouter leurs attentes, découvrir et se laisser surprendre par leurs représentations, comprendre leurs points de vue.
Cette reconnaissance, à juste titre, de la participation des enfants suppose la mise en place d’un dialogue ouvert dont l’orientation et les résultantes ne peuvent et ne doivent pas être prédéfinies par avance. Intégrons-les le plus tôt possible, pour éviter de partir « bille-en-tête » dans nos représentations d’adultes. Laissons-les bouleverser nos idées, nos conceptions et nos envies.
Une fois ce premier pas franchi, il reste à déterminer les actions concrètes à mettre en œuvre pour intégrer au mieux ce vaste public dans la fabrique de nos expositions.
Participe passé, présent… futur
Sur une échelle de participation, quel est le niveau d’implication des enfants recherché dans le développement de nos expositions et dans quels buts ? De l’enfant testeur, présent quelques heures à l’enfant co-commissaire qu’on voit régulièrement en passant par le comité que l’on consulte à différentes phases, où est notre curseur ? Quelle portée donner à leur investissement et leurs choix ? Et dans quelles temporalités ? Le temps de la muséographie, des projets, des objectifs stratégiques est-il toujours compatible avec le temps de la participation ?
Ce seront peut-être les enfants qui nous le diront !
1 Selon la proposition de définition du musée soumise au vote au congrès de l’ICOM (International Council of Museums) en 2019, les musées “sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés […]”.