Avec l’ambition de mobiliser face à la crise environnementale et de mettre en place des interfaces sciences – sociétés, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et RFI Planète Radio déploient depuis 2017 le dispositif ePOP petites ondes participatives[1].
Le réseau recueille dans le monde les témoignages de citoyens confrontés aux changements climatiques et environnementaux. Ces vidéos réalisées au smartphone par des jeunes, les « ePOPers » révèlent des paroles sensibles, des expériences locales et des réalités souvent édifiantes. Elles donnent dignité et visibilité à celles et ceux qui se battent chaque jour face à la crise environnementale, notamment les populations les plus vulnérables d’Afrique centrale et sahélienne, des Etats insulaires du Pacifique et de l’océan Indien, et recherchent les moyens d’y faire face.
ePOP recense aujourd’hui plus de 800 films réalisés dans 37 pays en 63 langues sur l’érosion du littoral, les sécheresses, la perte de ressources naturelles, les pollutions, l’émergence de maladies… Ces vidéos de 3 minutes ont vocation à être diffusées sur les réseaux sociaux et dans les médias. Une programmation de projections publiques – les « AfterPOPs » – a pour objectif de décrypter ces témoignages avec la communauté scientifique et de les mettre en débat avec les décideurs et de multiples acteurs de l’enseignement, de la société civile ou du monde entrepreneurial afin de mieux appréhender collectivement ces problématiques et d’identifier des solutions en faveur d’un avenir plus durable. Les vidéos et leurs ePOPers sont ainsi conviés dans le cadre des grands évènements internationaux (COP, Congrès mondial de la Nature[2], Forum de l’Eau).
Des interfaces de médiations en évolution
Si les activités déployées par ePOP permettent de rendre compte des avancées de la recherche et de diffuser la démarche scientifique, elles visent parallèlement à une mobilisation citoyenne face à l’urgence des transitions socio-environnementales.
Les médiations sont initiées à partir des préoccupations sociétales et vont à la rencontre d’expertises scientifiques, de savoir-faire et d’innovations locales ou collectives, de réponses apportées par les pouvoirs publics. Le dispositif s’attache ainsi à mettre en dialogue la pluralité des savoirs. Il mobilise des témoignages des populations comme point de départ à la communication de connaissances à même d’éclairer les débats publics et la co-construction de savoirs tournée vers la recherche de solutions locales[3].
Les ePOPers conçoivent une partie du projet, collectent ses données, en pratiquant la médiation au cours de leurs enquêtes et des rencontres publiques pour finalement porter un plaidoyer et agir en faveur d’un avenir durable.
Engager les jeunes dans les transitions urbaines
De 2022 à 2024, avec le soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le dispositif choisit de déployer une action spécifique, « ePOP villes durables », focalisée sur les enjeux urbains sur le continent africain où la croissance urbaine et les impacts des changements globaux s’avèrent inédits par leurs ampleurs.
Après une phase de formation aux enjeux scientifiques et à la réalisation vidéo d’une trentaine de jeunes (20-30 ans) de Côte d’Ivoire, du Cameroun et du Bénin une collecte filmée des problématiques est réalisée. Le projet construit actuellement un dialogue entre les acteurs des villes avec la réalisation de vidéos dédiées aux solutions et une programmation de projections-débats où les jeunes deviennent des citoyens acteurs de transitions et porte-paroles de leur territoire.
Ce faisant, les ePOPers, par ailleurs engagés dans des organisations de la société civile, des médias ou des cursus universitaires, acquièrent de nouvelles connaissances et une capacité d’agir (« empowerment »), construisent leur réseau professionnel et développent une citoyenneté éclairée et active. Comme en témoignent Ruth, ePOPeuse, « je veux faire partie de ceux qui auront lutté pour un avenir urbain durable dans les villes d’Afrique », ou encore Brunelle, « je compte toucher les problèmes environnementaux que vit ma communauté et produire de meilleures vidéos dont les diffusions pourront toucher et inciter les décideurs et la population à une prise de conscience effective. Il ressortira de mes films des témoignages qui changeront l’habitude des uns et des autres. »
Déjà, l’équipe béninoise travaille à constituer un « Ecoblog » avec le soutien de CFI[4]. et de l’AFD[5]. Cinq autres ePOPers sont également présents, aux côtés des scientifiques de l’IRD, dans les groupes de travail du Forum Urbain Mondial, organisé au Caire par les Nations Unies en 2024.
Cet élan participe à une stratégie plus large de l’IRD, qui inscrit la participation des citoyens des pays du Sud, et plus particulièrement de jeunes, dans ses programmes scientifiques et qui œuvre à porter leurs voix auprès des instances internationales.
Visuel 1 et 2 : © ePOP. Formation de ePOPers à la réalisation vidéo au smartphone, Abidjan, 2022.
Visuel 3 : © ePOP, Jean-Yves Essigan, 2023. Recueil du témoignage d’un citoyen sur la vulnérabilité d’un quartier de Cotonou face aux inondations.
Visuel 4 : © ePOP, Jean-Yves Essigan, 2023. Team building des ePOPers de Cotonou.
Visuel 5 : © ePOP, Caroline Vilatte 2022. Les jeunes se mobilisent.
Visuel 6 : © ePOP, Jean-Yves Essigan, 2022. Projection et débat avec des ePOPers et un chercheur en climatologie dans un lycée d’Abidjan, Fête de la science 2022.
Visuel 7 : © ePOP, 2022. Projection et débat avec les ePOPers et un chercheur en climatologie dans le cadre de la Nuit des idées à Institut Français de Yaoundé, 2023.
Notes
[1] Références de la plateforme vidéo ePOPNetwork https://epop.network/fr/ et de la page Facebook www.facebook.com/ePOPNetwork
[2] Faire entendre la voix des populations confrontées aux changements climatiques et environnementaux, Marie-Lise Sabrié, Max Bale, 2021 https://www.iucncongress2020.org/fr/actualites/toutes-actualites/faire-entendre-la-voix-des-populations-confrontees-aux-changements
[3] Pluralités des savoirs et diversité des façons de « faire science »- Réflexivités de chercheurs sur leurs appropriations du dispositif de médiation scientifique ePOP ; Grégoire Molinatti, Marie-Eve Migueres et Pascale Chabanet, Science&You, 2021. http://www.science-and-you.com/fr/actes-du-colloque
[4] Agence française de développement médias https://cfi.fr/fr
[5] Agence française de développement https://www.afd.fr/fr