Existe-t-il une culture scientifique « territoriale » ?

La CSTI contemporaine : transitions et lien aux territoires

Chaque territoire a des spécificités propres, qu’elles soient géographiques, économiques, culturelles ou encore scientifiques. Mais la question est de savoir si cette notion d’identité territoriale a une influence sur la manière dont nous pratiquons la CSTI.

Il est donc nécessaire de s’intéresser et de comprendre « le Territoire » dans lequel nous évoluons. Avec la Corse, région avec une forte identité culturelle, historique et patrimoniale, nous pourrions répondre à la question posée par cet article par l’affirmative, sans chercher à comprendre quels sont les mécanismes qui influent sur nos pratiques de médiation scientifique.

 

Exposition « Biomimétisme » (novembre 2021 – 21 juin 2022) et exposition « Explore Mars » (septembre 2022 – juin 2023) – Crédits : La Casa die Scienze

 

Un contexte territorial spécifique

Au cœur de la Méditerranée, la Corse est un réservoir de biodiversité exceptionnelle. Ile-Montagne, elle bénéficie d’une extraordinaire richesse environnementale et d’une longue tradition agropastorale. Son histoire est très riche et parsemée de faits historiques politiques, sociaux et environnementaux majeurs. Au cours des siècles, la Corse a subi de nombreuses invasions et a été sous diverses influences étatiques (italienne, espagnole, maure, française). Le patrimoine matériel et immatériel laissé par des grands Hommes comme Pasquale Paoli et Napoléon Bonaparte, ont forgé la destinée de générations entières.

C’est donc cette situation géographique spécifique et cette histoire particulière qui ont façonné l’identité du peuple corse et influencent encore de nos jours les pratiques culturelles sur l’île.

Ainsi, faire abstraction de cette histoire dans nos approches de médiation scientifique est un non-sens.

 

Pratique de la CSTI en lien avec le territoire

Si nous parlons par exemple d’inclusion des publics, nous nous devons de prendre en considération cette identité du territoire pour adapter au mieux nos pratiques de médiation. Un bon exemple est la langue corse qui a une place particulièrement importante dans la société. Il est nécessaire d’intégrer cette particularité quand nous développons nos expositions ou créons nos ateliers de médiation : traduction des contenus, animations bilingues, … Nous avons notamment intégré des visites guidées de nos expositions en langue corse spécifiquement pour les classes bilingues, ou bien encore créé un lexique français-corse, qui reprend toutes les terminologies de nos expositions. Progressivement nous attirons et fidélisons un public corsophone et promouvons en même temps notre langue régionale.

Conscient également de la nécessité de proposer une ouverture sur le monde extérieur, par le traitement de thématiques scientifiques « contemporaines » (biomimétisme, changement climatique…), nous nous efforçons de traiter ces sujets à travers le prisme identitaire local. De cette manière, nos publics trouvent très souvent dans notre médiation des repères identitaires, facilitant leur compréhension du sujet traité. Pour l’exposition sur le biomimétisme, nous avons parsemé l’exposition d’exemples locaux d’espèces (requin, corail, moule…) ou de technologies (coffre d’amarrage) attisant davantage la curiosité et déclenchant plus facilement la discussion avec nos visiteurs insulaires.

 

Influence du paysage scientifique et technique local

Le contexte scientifique et technique local est aussi un facteur influant dans nos pratiques de CSTI en Corse. En effet, ce rapport entre Science & Société est jeune sur notre territoire.

A titre d’exemple, l’Université en Corse, située en plein cœur de l’île, dans la ville de Corte (6 000 habitants à l’année), a été fondée en 1765 par le général Pasquale Paoli. Les événements historiques causent sa fermeture après quatre années. Cette fermeture paraît, durant plus de deux siècles, définitive. C’est en 1981 que l’Université ouvre à nouveau ses portes, suite à un mouvement populaire, et accueille ainsi ses premiers étudiants.

La recherche scientifique issue de l’Université, et donc sa diffusion dans la société insulaire, est très récente. Cumulé à cela, une économie industrielle peu développée et un bassin d’acteurs scientifiques réduits et très orientés sur l’environnement, font que la culture scientifique, technique et industrielle ne connaît pas le même essor et le même rapport avec le public en Corse que ce que nous pourrions trouver sur le continent.

Jusqu’en février 2020, aucune structure privée ou publique en Corse ne possédait d’espace dédié à la CSTI. C’est grâce à la ville de Bastia et à l’ouverture de la Maison des Sciences ou devrais-je dire « A Casa di e Scenze », en Corse, que notre territoire peut désormais accueillir des expositions de CSTI. Avec 250 m2 d’espace d’exposition et une salle de 100 m2 modulables pour ses activités, notre structure, implantée dans les quartiers prioritaires de la ville a donc une mission essentielle de diffusion et de démocratisation de la CSTI au niveau régional.

Autre point influant de nos pratiques, la géographie et la mobilité. Comme pour d’autres territoires ruraux métropolitains, la Corse ne possède pas un réseau routier et ferroviaire développé. Les voies de circulation principales doivent s’adapter à la morphologie montagnarde de l’île. Pour l’anecdote, afin de calculer un déplacement en Corse, l’unité de mesure est le temps et non pas le nombre de kilomètres.

La mobilité est donc un facteur limitant pour les acteurs de CSTI, mais aussi pour le public, qu’il est nécessaire d’intégrer dans la construction de nos pratiques et le choix de nos activités.

 

Il existe encore de nombreux exemples, qui tous, illustrent clairement la réalité d’une spécificité territoriale à la pratique d’activités de culture scientifique. A nous, acteurs, d’intégrer cette identité et d’adapter nos pratiques au bénéfice de nos publics.

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