Informer et sensibiliser sur le recyclage de l’eau : une collaboration entre un CCSTI et une start-up

Culture industrielle : où en est-on ?
Le projet Life RECYCLO : une équipe d’ingénieur·ses, chercheur·ses, gestionnaires de blanchisseries et médiateur·rices scientifiques © Life RECYCLO

Recycler les eaux usées des petites et moyennes blanchisseries avec un procédé d’oxydation avancée. Comment parler d’un sujet aussi précis et spécifique, à la fois à un public de spécialistes et au grand public ? C’était l’un des défis du projet Life RECYCLO, piloté par Treewater, une start-up proposant des solutions de traitement et de recyclage des eaux, auquel Pop’Sciences, le CCSTI du Rhône, s’est associé.

 

Life RECYCLO est un projet européen, qui s’étend de septembre 2021 à février 2026. Il fait partie du programme LIFE de la Commission européenne, qui finance les initiatives dans les domaines de l’environnement et du climat. Ce projet a pour ambition de proposer, pour le secteur de la blanchisserie, une meilleure gestion des ressources en eau et de réduire le déversement de substances polluantes dans le milieu aquatique.

Le projet donne lieu au développement d’un système de traitement par oxydation avancée pour recycler les eaux usées de blanchisseries. Ce procédé permet d’éliminer plus de 90 % des polluants. Ces eaux recyclées sont alors réutilisées, par ces mêmes blanchisseries, dans leur processus de nettoyage, permettant une économie de 50 à 80 % d’eau.
Des prototypes sont actuellement testés dans une blanchisserie espagnole, et d’ici fin 2026, dans une blanchisserie française et une blanchisserie luxembourgeoise. L’objectif du projet est alors de déterminer l’efficacité du procédé et sa reproductibilité, afin de développer son industrialisation.

 

Quel rôle pour un CCSTI ?

Pop’Sciences est le CCSTI du Rhône, rattaché à la ComUE Lyon Saint-Étienne. Treewater est, quant à elle, une start-up issue du laboratoire DEEP (INSA Lyon). Dans son rôle de diffusion des connaissances scientifiques et des innovations technologiques issues des laboratoires lyonnais, mais aussi avec la conscience de la pertinence de cette innovation comme réelle possibilité de réduire l’impact environnemental du secteur de la blanchisserie, Pop’Sciences a choisi de s’impliquer dans le projet.

De septembre 2021 à février 2024, Pop’Sciences a accompagné Life RECYCLO en prenant en charge sa communication et sa dissémination. L’objectif principal était de contribuer à une prise de conscience collective de la nécessité de préserver la ressource en eau et de présenter une solution concrète répondant à cette nécessité. Plusieurs types de publics étaient alors ciblés: les professionnel·les du secteur de la blanchisserie, du secteur de l’eau – chercheur·ses et industriel·les -, les décideur·euses politiques et le grand public, dont les scolaires.

 

Le projet Life RECYCLO a été présenté lors d’évènements scientifiques et professionnels – Crédit : Life RECYCLO

 

Ces actions se divisaient principalement entre la création de supports de diffusion – sites web, documentaires vidéo, posters – et la participation à des événements pour sensibiliser les publics. Il s’agissait autant d’évènements professionnels, comme des journées d’étude scientifique ou bien des salons spécialisés comme Pollutec, que d’évènements grand public, comme la Fête de la Science ou bien le Festival Entre Rhône et Saône (Lyon). Des actions d’informations auprès de la presse ont également été menées afin de diffuser le message plus largement. Une information auprès des décideur·euses politiques a également été réalisée, afin de faire remonter ce besoin de changer nos pratiques actuelles en proposant une solution effective.

Pop’Sciences a, en outre, été en charge d’une enquête de perception. Cette enquête avait pour but d’évaluer la perception et de mesurer l’impact social du recyclage des eaux usées pour le secteur de la blanchisserie. Elle ciblait les blanchisseries et leur clientèle dans toute l’Europe. Elle a été menée en collaboration avec un cabinet de conseil en sciences comportementales, AD-HOC Lab. Cette consultation a révélé que les consciences sont déjà éveillées concernant la nécessité de préserver l’eau. Et les solutions pour garantir sa protection, comme celles de RECYCLO, sont donc bien accueillies. Dans le cadre du déploiement de ce type de technologie, le principal frein mis en lumière est économique. Des aides financières et de l’accompagnement des entreprises seraient ainsi nécessaires.

 

Une convergence des compétences

Le projet comporte six partenaires. La société Treewater est coordinatrice du projet. Les trois blanchisseries membres sont la Blanchisserie Saint-Jean (France), la Fundacio Mas Xirgu (GRUPFRN – Espagne) et l’entreprise KLIN SARL (Luxembourg). Le Catalan Institute for Water Research (ICRA – Espagne) est en charge de développer des méthodes innovantes d’analyse des substances dangereuses.

Pop’Sciences a collaboré principalement avec Treewater. Cette collaboration a été étroite sur la plupart des actions. L’objectif était alors de faire converger nos compétences pour mieux diffuser l’information. Par exemple, Pop’Sciences a participé aux évènements techniques et scientifiques, afin d’apporter ses compétences de vulgarisation. De la même manière, Treewater est intervenue dans les évènements grand public afin d’amener les connaissances techniques sur le projet, et d’apporter au public un contact direct avec les ingénieur·ses ayant conçu la technologie.

 

Le projet Life RECYCLO a été présenté lors d’évènements grand public, comme au Festival Entre Rhône et Saône à Lyon – Crédit : Life RECYCLO

 

Pop’Sciences a également travaillé avec l’ICRA et les scientifiques de son institut de recherche. Nous les avons accompagnés sur la participation à des évènements, et notamment sur un évènement grand public, la Fiesta de la Ciencia – un type d’évènement auquel ils n’avaient jamais participé. Des échanges ont aussi eu lieu avec les gérant·es des blanchisseries. L’objectif était alors de leur fournir des outils – textes vulgarisés, flyers, posters – afin qu’ils et elles puissent expliquer le projet à un public non initié, tels que leurs client·es. Ils et elles ont également participé à l’enquête et à sa diffusion.

 

De la communication à la sensibilisation sur les enjeux globaux de l’eau

En tant que CCSTI, ces actions et ces collaborations n’étaient pas habituelles pour Pop’Sciences. Il s’agissait de réaliser la communication d’un projet, et à travers lui de sensibiliser à des enjeux plus globaux, mais pas de faire la promotion de la technologie développée par une entreprise. Il y avait alors un équilibre à trouver, pour correspondre aux missions d’un CCSTI.

L’un des écueils aurait ainsi pu être la volonté de Treewater de mettre en valeur sa technologie, au détriment du message général de protection de l’environnement. Ce qui n’a pas été le cas. Par exemple, sur la production des documentaires, l’équipe de la start-up souhaitait réaliser un film sur les enjeux globaux de l’eau et du recyclage des eaux usées, en présentant son procédé comme un exemple parmi d’autres. Cela était notamment dû à une sensibilité existante de Treewater pour la transmission vers le grand public, dont l’un de ses membres était déjà familier.

Dans de rares cas, notre mission a pu apparaître comme de la communication d’une entreprise, car nous présentions sa solution technologique. Cela a notamment été le cas lors de recherches de financement pour le projet. Notre mission n’était alors pas comprise comme de la sensibilisation aux enjeux de l’eau.

Néanmoins, nos actions auprès du grand public ont prouvé le contraire. Lors de nos présentations du projet, celui-ci a été très bien accueilli. Le public avait un véritable intérêt pour ce sujet, car, au-delà de sa spécificité pour les blanchisseries, il interroge nos changements de pratique en matière de gestion et de partage de l’eau. De nombreuses personnes nous ont ainsi demandé quand serait disponible une telle technologie pour les particulier·ères. Et ils et elles étaient intéressé·es par le fait de découvrir une solution concrète et mise en place. Ce qui peut parfois être la difficulté de nos autres actions de CCSTI où nous proposons des rencontres de chercheur·ses pouvant rester très théoriques pour le public.

 

Le premier prototype de la technologie RECYCLO a été implanté dans la blanchisserie GRUPFRN à Gérone (Espagne) – Crédit : Life RECYCLO

 

L’accueil a été identique au sein de la presse. Dans un contexte où les problématiques liées à l’eau deviennent de plus en plus nombreuses, les médias se sont révélés intéressés par le projet. Et les journalistes ont été sensibles à la diffusion à la fois de la nécessité de préserver la ressource en eau et de présenter une solution effective.

 

Un apprentissage mutuel et un pari de dissémination relevé

Ces différentes actions nous ont permis de découvrir de nouveaux publics et de réaliser de nouveaux projets, autant pour nous, CCSTI, que pour Treewater. En tant que CCSTI, nous avons ainsi appris à communiquer avec un public de professionnel·les: scientifiques, gérant·es de blanchisseries, industriel·les.

De son côté, Treewater a eu l’occasion de rencontrer le public et de participer à des actions avec du public scolaire. Ce qui lui a permis de développer une aptitude de vulgarisation, mais également de prendre conscience de l’intérêt de ces publics pour ses travaux.

Concernant notre collaboration avec les blanchisseries, celle-ci a parfois été plus compliquée. Il s’agit d’entreprises qui n’ont pas l’habitude ni le temps de réaliser des actions de communication. Il a parfois ainsi été difficile de les mobiliser. Mais elles étaient bien conscientes de l’intérêt et de l’enjeu de sensibiliser tous les publics, et pas seulement leurs client·es, à un projet comme Life RECYCLO.

Même si des obstacles et des incompréhensions ont pu survenir, il a résulté de ce projet une collaboration riche pour l’ensemble des partenaires. Et surtout, nous ressortons tous et toutes de cette expérience avec le sentiment d’avoir contribué à éclairer la nécessité actuelle de protéger la ressource en eau, via des actions tel que son recyclage. Nous avons pu toucher de multiples publics. Et cela n’aurait sans doute pas été possible sans cette collaboration entre des acteur·rices, certes différent·es, mais complémentaires.

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