Jean-Claude Guiraudon, un Homme de convictions

Du partage des sciences à l'engagement citoyen - 40 ans de politiques de CSTI

Jean-Claude Guiraudon, né en 1937, est un des pionniers de la culture scientifique, technique et industrielle avec une expérience variée, du Palais de la Découverte au MILSET, en passant par le Groupe de télécommunication spatiale (GETS), la Fédération des clubs scientifiques (FNCS), les Petits Débrouillards, et Planète science.

J’ai rencontré Jean-Claude il y a une vingtaine d’années, c’est un humaniste plein d’humour, très engagé, et un passionné de la vie, un tantinet provocateur dans le bon sens.

Comment en es-tu venu à t’investir dans la CSTI ?

À la rentrée scolaire de septembre 1961, en ma qualité de professeur technique, j’assurais des cours de physique-chimie et de mathématiques. Profitant de l’absence d’activités de loisirs dans l’établissement, j’ai impulsé une série de pratiques collectives. Créer des activités de loisirs, en suivant les concepts de solidarité, respect, partage, mutualisation des valeurs et passion, sera mon couteau suisse universel dans toutes les organisations dans lesquelles je serai amené à agir. Une de ces activités va changer ma vie : la réalisation et le lancement de fusées expérimentales avec et par les jeunes, en collaboration avec le Centre national d’études spatiales (CNES), son directeur, le Général Aubinière, et l’Association nationale des clubs scientifiques (ANCS). A partir de 1969, les clubs scientifiques furent encouragés, au moment où je quitte mes fonctions d’enseignement pour celles de chef de section jeunesse au Palais de la Découverte. Fort de mes mandats de secrétaire général de la Fédération nationale des clubs scientifiques et de directeur de l’ANSTJ (Association nationale sciences techniques jeunesse), j’ai pu encourager les relations et collaborations avec les organismes extérieurs, qu’ils soient culturels, éducatifs, associatifs ou institutionnels. La CSTI passe avant tout par des échanges avec les jeunes où ce sont elles et eux qui découvrent et expérimentent. En ça, les clubs de science et l’éducation populaire sont des vrais moteurs pour développer la CSTI en complément de l’école.

Comment intègres-tu cette passion pour le « savoir-faire » par les jeunes dans le récit de la CSTI ?

Je dois nombre de mes passions aux maisonnées des voisins, à l’école et aux séances de bricolage dans mon enfance.  Après un engagement de 7 ans dans la marine nationale, j’ai rejoint l’École Centrale de Radioélectricité en 1961 pour devenir enseignant. J’ai ensuite été acteur, professionnel et bénévole au sein d’institutions (Palais de la Découverte, Cité des sciences et de l’industrie), d’associations nationales et internationales (Planète sciences, Petits débrouillards, AFA, Collectif inter-associatif pour la réalisation d’activités scientifiques et techniques à l’international CIRASTI). Ces engagements sont liés à l’histoire de la CSTI et au développement de l’éducation populaire avec la pérennisation d’organisation telles que la Ligue de l’enseignement, les Ceméa et les Francas. Ces organisations se sont mobilisées pour œuvrer à l’émancipation des peuples et lutter contre les obscurantismes. Elles s’appuient sur deux piliers : l’Éducation nationale et la jeunesse. Les échanges étaient permanents entre ces acteurs institutionnels et issus de secteurs « informels », malgré leurs diversités politiques, religieuses, philosophiques, et pédagogiques. Tous ambitionnaient de corriger les inégalités d’accès des jeunes aux équipements scientifiques, de mettre en place des clubs sciences au sein et en dehors des grands musées et institutions culturelles pour permettre aux jeunes d’assouvir leur désir de connaissance et de déployer leur créativité et inventivité. On peut citer, entre autres, le Club Jean Perrin au Palais de la découverte, les Clubs jeunes techniciens du Cnam, et les Clubs naturalistes du Muséum national d’histoire naturelle. Ils se regroupaient dans des associations nationales telles que les Clubs Jeunes Sciences (CJS), créée en 1958, et l’Association nationale des clubs scientifiques (ANCS) (créée en 1962, elle devient l’ANSTJ puis Planète Sciences en 2002) ensuite regroupées dans la Fédération nationale des clubs scientifiques (FNCS), en 1969. 

Tu t’es également investi dans des relations à l’international. 

En particulier via le Mouvement international pour le loisir scientifique et technique (MILSET) fondé en 1987 au Québec, avec pour origine le binôme France-Québec. Chaque organisation dans son propre pays et avec ses propres initiatives contribuait à intéresser les jeunes aux sciences et aux technologies en créant des occasions d’échanges internationaux et en transposant au niveau local les initiatives d’autres organisations. Mon couteau suisse dans ce domaine a été les EXPOSCIENCES non compétitives.

Tu peux nous raconter une anecdote qui te tient particulièrement à cœur ?

Lorsque j’étais au Palais de la Découverte dans les années 70, des médiateurs emmenaient des classes de Ris Orangis dans le Morvan ou à Chapelle des Bois. Ils passaient à 5h du matin au Palais de la Découverte prendre les malles de matériels d’expériences au Club Jean Perrin. Ils tapaient à la porte, le gardien leur demandait ce qu’ils voulaient : « On vient chercher le matériel pour Jean-Claude », « Ah ! bien sûr, venez, montez donc. » Parfois le médiateur qui devait les accompagner durant le séjour de 3 semaines, souvent un « objecteur de conscience », avait passé la nuit dans un fauteuil dans la salle d’attente du directeur (merci à Monsieur Charles Penel directeur adjoint de ces roboratives tolérances). Au cours de toutes ces années, jamais aucun incident, perte, vol, n’a été signalé. Quand je pense aux milliers de gamins et à tous les séjours effectués, à la satisfaction des bénéficiaires : enfants, enseignants et institutions, je me dis que mon optimisme à toute épreuve vient en partie de l’enthousiasme, de l’engagement et du sens des responsabilités de tous ces acteurs dont la plupart étaient volontaires et bénévoles. Quelles belles réussites ! 

Comment vois-tu le présent et l’avenir par rapport à ton histoire de la CSTI ?

Le présent est dominé par les grandes crises nationales et surtout mondiales survenues depuis 2020. Des acteurs comme Universcience, établissement public français issu du rapprochement en 2009 entre le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie, gagneraient, selon moi, à renforcer davantage leur relation avec l’éducation populaire, et l’international. 

Je pense en effet qu’il faut rapidement revoir la place de la culture scientifique à l’école, en y associant l’éducation populaire, pour raviver le goût des techniques et des sciences.  Optimiste de nature, je considère que la boite à outils confectionnée au cours des 80 dernières années par « les fameux bricoleurs » et les « pros » est suffisamment riche et accessible pour fournir de super recettes. Alors « relevons nos manches et ça ira mieux », slogan qui n’a pas pris une ride depuis son lancement lors des 30 glorieuses, et sait-on jamais « s’il y a quelque chose qui cloche là-dedans, retournons-y immédiatement ».

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