La directrice du Zoo d’Amiens Métropole évoque l’histoire des liens entre action culturelle et parcs zoologiques.
Que représente l’ensemble des parcs zoologiques à l’échelle européenne ?
Il existe plus de 340 parcs zoologiques en Europe adhérents à l’Association Européenne des Zoos et Aquaria. Ils se répartissent dans 41 pays et accueillent 700 millions de visiteurs annuels dont environ 20 millions en France, qui compte une centaine de parcs zoologiques dans l’hexagone et dans l’outre mer. Dans le monde, 46 000 animaux sont présentés et plus de 2,5 millions d’euros/an versés à des programmes de conservation et de recherche.
Pourriez-vous nous présenter le Zoo d’Amiens Métropole ?
Ouvert en 1952, le zoo d’Amiens Métropole est le seul zoo de Picardie. Sur six hectares d’eau et de verdure, il présente 300 animaux, de 72 espèces différentes, et 120 espèces d’arbres remarquables. Chaque année, le zoo accueille 161 500 visiteurs, dont environ 40 000 scolaires.
Selon vous, les zoos sont-ils des lieux culturels ?
Les zoos ont trois missions réglementaires étroitement liées : l’éducation, la conservation et la recherche. L’éducation – transmission de savoirs – se distingue de l’action artistique. Complémentaire, cette dernière est un chemin au service de la conscience par son questionnement, l’émotion qu’elle suscite.
Le zoo est souvent associé à un lieu de spectacle bon enfant, politiquement correct alors qu’il est hautement politique. Il questionne la place de l’Homme sur la Planète Terre et sa vision du monde ;l a vision du monde se construit en partie sur la culture. Par ailleurs, la conservation (ex situ et in situ), la recherche en biologie et la médecine vétérinaire, au service direct de l’animal, permettent de tisser des réseaux de collaboration et de savoir et servent indirectement la mission de sensibilisation aux sciences de la vie.
Et la culture dans tout cela ?
Il ne faut pas oublier que le rapport à la nature, et particulièrement à l’animal, est d’abord culturel. Un indonésien et un canadien ne regardent pas un tigre de la même manière. Depuis 30 ans, le parc zoologique d’Amiens Métropole programme du théâtre, de la danse, de la musique et des expositions d’arts plastiques.
Il poursuit aujourd’hui encore sa recherche de passerelles possibles entre art et science, intégrant dans le site une présence artistique faisant sens ou développant dans des lieux culturels des thématiques scientifiques. Lors des festivités de ses 60 ans, par sa collaboration avec la bibliothèque, le musée, le cinéma, l’école de musique, le zoo a montré qu’animaux et nature font partie intégrante de la culture et que l’histoire de l’humanité est intimement liée à eux.
Le zoo est un endroit où il y a rupture entre l’animal et l’humain et cette rupture doit être questionnée et non pas uniquement renseignée. Cet endroit insolite, seul espace urbain de confrontation avec « l’autre » être vivant sauvage, peut constituer pour les autres acteurs de la culture scientifique un champ d’investigation et de collaboration unique.
Quand la dimension culturelle a-t-elle réellement été intégrée dans les parcs zoologiques ?
Au départ, la dimension culturelle des parcs zoologiques se rapportait surtout à la dimension historique (Jardins royaux). Ils étaient des lieux symboliques de la puissance et de l’étendue des territoires. La présence de l’art était surtout celle des artistes venant prendre les animaux comme modèles, Dürer, Barye, Pompon ou Gilles Aillot….
L’action éducative était absente des zoos. Les premiers services pédagogiques furent créés dans les zoos, dont celui d’Amiens, dans les années 1980. La dimension culturelle, et plus particulièrement l’action artistique, furent ensuite intégrées dans les parcs au bon vouloir de la direction.
Au gré des rencontres, des opportunités, s’est construite une pensée, une réflexion menant à la construction d’une véritable programmation culturelle et donc l’inscription de l’établissement dans le champ culturel.
Les parcs zoologiques seraient-ils également des lieux de diffusion artistique ?
Non, je ne pense pas. L’action culturelle, quelle qu’elle soit, doit s’adapter à un lieu, un espace, ne pas être en concurrence avec les animaux. C’est particulièrement évident dans un parc zoologique, espace spécifique, où l’action artistique sera forcément influencée par l’environnement. L’impact de cette action sera d’autant plus fort si elle est menée régulièrement et dans la durée, si elle fait sens et si elle est en cohérence avec le lieu. Après, il est certain que le zoo verra alors revenir un public qui ne venait pas ou plus.
Quels seraient aujourd’hui les enjeux liés au champ culturel dans les parcs zoologiques ?
La vision du monde est culturelle, les activités transdisciplinaires au sein d’un établissement contribuent à une appréhension du monde cohérente, dans toutes ses dimensions. Art et science sont des enjeux culturels et chacun peut être pour l’autre une voie de recherche, de questionnement, de prise de conscience pour ses acteurs et pour le public. Ce doit être une transaction, non une juxtaposition. Il n’existe pas de trame méthodologique. Mais il paraît important de continuer à inventer, créer des ponts, donner du sens et des moyens à l’action menée, oser des rencontres improbables.
Pour moi, la question actuelle serait la suivante : les parcs zoologiques, acteurs de la culture scientifique, peuvent-ils aujourd’hui tisser des liens avec les autres acteurs de la CSTI et apporter ainsi leur savoir, leurs espaces et leur public au réseau existant ?