Un papillon en vol, une vue dégagée sur la mer depuis les quartiers Nord de Marseille, vous êtes au Parc Urbain des papillons (PUP). Magali Deschamps-Cottin, maître de conférences à Aix-Marseille Université, raconte les 10 ans du parc, entre recherche, formation et médiation scientifique au cœur d’une ville.
En quoi un lieu hybride entre recherche et médiation scientifique sert à la fois à améliorer les connaissances en matière de nature en ville, à contrer la perte de biodiversité engendrée par l’urbanisation, mais aussi à créer un espace de partages ancré dans le territoire ?
En 2012, le PUP est né pour lutter contre l’homogénéisation de la biodiversité en ville et la réduction des connaissances et des interactions des citadins avec la nature. L’élaboration collaborative de ce dispositif associe, d’une part, la recherche expérimentale pour repenser les pratiques de gestion afin de favoriser le rétablissement de la biodiversité urbaine. D’autre part, ce dispositif conjugue la formation participative, la médiation notamment dans le domaine des sciences du vivant et les échanges avec un large public (gestionnaires de l’environnement, étudiants, scolaires et grand public).
Le parc urbain des papillons a fêté son anniversaire. Comment a-t-il évolué en 10 ans ?
Les résultats de recherche sont prometteurs. En 2010, avant l’aménagement, 17 espèces de papillons avaient été recensées. En 2020, on en compte jusqu’à 34. Les installations de plantes nectarifères[1] et de plantes hôtes [2]ont permis le retour et/ou la venue de nouvelles espèces comme le Citron de Provence*[3], Robert le diable, le Thécla du kermès* ou encore l’Azuré de Lang*, dont certaines sont typiquement méditerranéennes*.
Par ailleurs, les visiteurs sont toujours enthousiastes. Ce sont en moyenne 3 500 personnes qui viennent au parc. Cela représente un nombre important compte tenu du fait que le parc n’est pas ouvert au public et que les visites sont réalisées sans personnel dédié. 288 lycéens ont contribué à la gestion du site, 70 agents techniques de la ville de Marseille et autres collectivités participent à son aménagement et 1 058 personnes du grand public ont visité le PUP et suivi le parcours pédagogique.
Afin de pérenniser le dispositif qui existe depuis 2012 et de le répliquer un WIKI[4] a été créé. L’objectif était de porter à connaissance les enjeux et la démarche de ce dispositif afin d’accompagner le développement de nouveaux sites et d’identifier des équipes projet sur d’autres lieux.
Nous avons mis en ligne les ressources disponibles associées pour sa réplicabilité en licence creative commons. Pour cela, nous avons documenté le processus (code source) dans les différents champs investis actuellement par le PUP : les outils de recherche scientifique sur la biodiversité urbaine, l’éducation et la sensibilisation à l’environnement (public, scolaires…), les formations (académique universitaire, gestionnaire…) et la mise en place des techniques de gestion différenciées relatives à un PUP. Ce dispositif a en particulier permis la duplication d’un PUP à Aix en Provence.
Visuel1 : Détermination de papillons sur le terrain – Crédits : Louise Seguinel
Visuel2 : Gestion du PUP – Crédits : Magali Deschamps-Cottin
Comment le PUP s’inscrit-il dans son territoire ?
Pour le grand public, le parcours pédagogique constitue un support de sensibilisation à la biodiversité urbaine. Les personnes sont invitées à prendre la place du chercheur en capturant, manipulant et identifiant les espèces de papillons. Cette sensibilisation prend place lors des manifestations nationales (Rendez-vous aux Jardins, Fête de la science ou Journées du patrimoine). Elle s’accompagne parfois d’ouvertures en nocturne (2014 et 2022 : découverte des papillons de nuit, 2015 : découverte des chauves-souris) qui constituent une autre façon de découvrir cette biodiversité et des groupes taxonomiques différents. Parmi le public, figurent entre autres des associations de personnes néophytes ou déjà sensibilisées à la nature en ville.
Plusieurs promotions d’étudiants inscrits dans le cursus de biologie de la Licence au Master (450 étudiants/an) suivent des enseignements théoriques en systématique, écologie animale et végétale et écologie urbaine. Par l’intégration de la visite de ce parc au sein de leur cursus universitaire, ces étudiants sont sensibilisés à la connaissance naturaliste, à l’écologie de terrain et à la démarche scientifique expérimentale. Des étudiants de Master viennent apporter leurs questionnements et leurs compétences pour développer, au travers de leurs stages, des approches sur des modèles biologiques différents. Ils participent ensuite à la diffusion des connaissances sur leurs travaux en effectuant des visites pour des publics variés. Depuis 2022 a été mis en place un partenariat PNCal ANUMA-LPED-CEN PACA[5] pour former agents du PNCal et étudiants à mettre en place des suivis de papillons sur différents sites, du campus universitaire aux sites naturels du PNCal.
Enfin des actions de formation concernent les agents techniques des parcs de la ville de Marseille. En visitant le PUP, le parcours pédagogique leur permet d’appréhender des notions dont ils ont entendu parler mais qu’ils ne connaissent pas forcément (biodiversité, cycles de développement des espèces, habitats…). Le PUP illustre concrètement un dispositif favorisant la biodiversité urbaine par le biais d’aménagements légers et d’une gestion différenciée. Les résultats des travaux scientifiques menés sur plusieurs années sont exposés. Les agents techniques réfléchissent alors en quoi cette expérimentation est transposable aux modes de gestion des parcs dont ils sont responsables et échangent sur leurs pratiques.
Visuel 3 : Gestion avec le Lycée des calanques – Crédits : Louise Seguinel
Visuel4 : Le Parc Urbain des Papillons – Crédits : Magali Deschamps-Cottin
Quel rôle va jouer le PUP dans un contexte de transitions ?
Grâce au Wiki et à plusieurs conférences et articles réalisés pour les 10 ans du PUP, le dispositif a pris de l’ampleur et les sollicitations se multiplient : formation pour de nouvelles collectivités, projets d’écoles dans le cadre du dispositif « Territoires engagés pour la nature » (OFB), actions grand public, animations avec les scolaires… Les actions sur la nature en ville ne manquent pas ! Plusieurs villes s’engagent dans la désimperméabilisation des cours d’écoles pour favoriser le retour de la nature en ville (Aix en Provence, Marseille etc..). Le PUP accompagne les différents acteurs dans la médiation via le modèle sensible qu’est le papillon. Marseille s’est également donnée comme objectif d’être neutre en carbone d’ici 2030 et la nature en ville à son rôle à jouer dans cet objectif. Mais il faut des bras et à minima une personne en poste dédié pour répondre à ces sollicitations. C’est la prochaine mission que se sont fixés le LPED, la ville de Marseille et la Cellule de diffusion de la culture d’AMU, afin de rendre plus accessible ce dispositif pour multiplier les initiatives en faveur de la biodiversité à destination de toutes et tous.
Visuel5 : Papillon « L’Azuré de lang » – Crédits : Chloé Duque
Visuel 6 : Papillon « Robert le diable » – Crédits : Chloé Duque
Notes
[1] Plante qui produit du nectar, qui attire et nourrit certains insectes dont les papillons adultes
[2] Plante spécifique dont la chenille de papillon s’alimente
[3] Les espèces marquées d’une astérix « * » désignent les espèces méditerranéennes.
[4] Site web collaboratif : https://lped.info/PUP/?PagePrincipale
[5] PNCal – Parc National des Calanques ; ANUMA – Association Naturaliste Universitaire de Marseille ; – LPED Laboratoire Population-Environnement-Développement ; CEN PACA – Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur