Il y a un peu plus de 100 ans, en 1917, un industriel pyrénéen, Pierre-Georges Latécoère, achetait des terrains dans le quartier de Montaudran à Toulouse. Il y établit une usine d’assemblage d’avions pour l’effort de guerre, et créa, après l’Armistice, une compagnie aérienne de transport de courrier, à destination du Maroc, puis du Sénégal. Elle deviendra, quelques années plus tard, la légendaire Compagnie Générale Aéropostale et atteindra en bout de ligne Santiago du Chili.
Après la fermeture du Centre de révision d’Air France, en activité de 1933 à 2003, Toulouse Métropole, sous l’impulsion de son Président, Jean-Luc Moudenc, a souhaité valoriser le patrimoine industriel du site de Montaudran. Les bâtiments ont été restaurés et un centre d’interprétation, à la mémoire des pionnier·ères de l’aéronautique, aménagé pour un budget total de 10,4 M€ dont 1,2 M€ dédiés aux expositions. L’Envol des Pionniers, ouvert en 2018, propose aux visiteur·ses de revivre cette aventure humaine exceptionnelle, à l’endroit même où décollèrent les pilotes Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet, et où travaillèrent des centaines de mécanos, contremaîtres ou entoileuses, pour faire naître l’identité aéronautique toulousaine.
Usine de montage à Montaudran – Crédits : Fondation Latécoère
La scénographie immersive de l’exposition permanente de 600 m² valorise une muséographie humanisée et interdisciplinaire qui rend hommage aux pionnier·ères de l’aviation civile de Toulouse et à l’histoire de ce site. Assortie d’un espace temporaire de 300 m², la médiation choisie par l’équipe de L’Envol des Pionniers met l’accent sur l’incarnation humaine. Des comédien·nes, vêtu·es de combinaison de mécanos ou de veste en cuir de pilotes, vont ainsi à la rencontre des visiteur·ses pour leur raconter, à leur manière, l’esprit des lieux. Par le biais de petites histoires, bouts de vie et anecdotes, qui mettent en évidence des valeurs intemporelles de fraternité, d’abnégation et de solidarité, la grande histoire de l’Aéropostale s’offre ainsi à la découverte de tous·tes.
Dans la continuité de ces orientations culturelles, Toulouse Métropole a souhaité confier à la SEMECCEL, délégataire pour l’exploitation de cet établissement, la reconstitution d’un Laté 28 à échelle réelle avec un budget de 90 K€. Dès l’ouverture de L’Envol des Pionniers, l’idée – audacieuse – fut de proposer à des lycéen·nes de reconstruire à l’identique cet avion emblématique de l’époque Aéropostale. Un projet éducatif a été initié afin de transmettre l’héritage de ces pionnier·ères de l’aviation au sein des lycées technologiques et professionnels de l’Académie de Toulouse.
Pour cela, une association spécifique a été créée, l’association « Laté 28 ». Elle travaille en étroite collaboration avec L’Envol des Pionniers, afin de coordonner une douzaine de lycées dont chacun prend en charge différents lots du projet. Un partenariat avec le Cercle des Machines Volantes, association basée à Compiègne, qui développe également un projet de reconstruction de cet avion, permet d’approvisionner une partie des pièces nécessaires. Le reste des équipements et les différentes phases d’assemblage sont directement réalisés par les lycéen·nes.
Les métiers du bois et du métal sont largement mis à contribution. Les élèves et leurs enseignant·es produisent et assemblent les pièces de l’avion selon les plans d’époque, tous numérisés, avec des outils modernes – impression 3D par exemple. Ils et elles s’inscrivent directement dans les pas de leurs glorieux·ses aîné·es, qui, comme eux et elles, ont été confronté·es à des problèmes technologiques qu’il a fallu surmonter. Les enjeux de l’aéronautique aujourd’hui sont bien différents de ceux de l’époque Aéropostale, mais l’esprit d’innovation reste intemporel…
Produites dès l’année scolaire 2022/2023, les pièces vont progressivement être réunies pour l’assemblage final. Dans un ancien hangar de l’usine Latécoère, situé sur le site de L’Envol des Pionniers, un atelier de montage dédié à ce projet, baptisé désormais « Atelier Laté 28 », a spécialement été aménagé par Toulouse Métropole pour un budget de 110 K€. La livraison de l’avion complet, et entièrement aménagé à l’intérieur, est prévue pour l’année scolaire 2026/2027. Tout au long du chantier, dès 2024, des visites seront proposées au grand public dans le cadre d’événements spécifiques, comme les Journées Européennes du Patrimoine.
Exemple de transmission et d’héritage, mais aussi de valorisation des filières industrielles, dans le contexte nécessaire de réindustrialisation que nous connaissons aujourd’hui, le projet « Laté 28 » est emblématique de l’esprit pionnier toulousain, toujours vivace, le regard tourné vers le ciel, les pieds ancrés dans une histoire inspirante, prêt à relever les défis de demain…
Le Laté 28
Conçu et produit à partir des années 1928 à Montaudran dans les ateliers de la Société Industrielle d’Aviation Latécoère (SIDAL), le Laté 28 est un des succès de l’entreprise, et fera évoluer les standards de l’époque.
Outre ses excellentes qualités de vol, il a, grâce à sa robustesse et sa fiabilité, offert un confort remarquable aux 8 passager·ères qui pouvaient y prendre place… et profiter de toilettes à bord, grande première pour l’époque !
Il sera construit en une cinquantaine d’exemplaires et décliné en 9 versions différentes, dont une en hydravion avec laquelle Jean Mermoz a effectué la première traversée régulière de l’Atlantique Sud de Saint-Louis du Sénégal à Natal les 12 et 13 mai 1930.
Il n‘existe aujourd’hui plus aucun Laté 28.
Plans d’ensemble d’un Laté 28 – Crédits : Fondation Latécoère
Caractéristiques principales :
Envergure : 19,25 m
Longueur : 13,75 m
Hauteur : 3,58 m
Masse à vide : 3215 kg
Moteur : Hispano Suiza 12Hbr 500 ch
Vitesse de croisière : 215 km/H
Équipage : 2
Passager·ères : 8