Retour sur l’après-midi du parcours « Sciences et BD font bon ménage », proposé lors du dernier congrès de l’Amcsti. L’après-midi a débuté par une table-ronde entre Nicolas Beck, directeur de la vie universitaire et de la culture de l’Université de Lorraine, Laurence Bordenave, fondatrice du collectif Stimuli, Guillaume Boutanox, illustrateur et membre du collectif Stimuli, et Nicolas Brazier, responsable de la coordination d’évènements et des journées professionnelles à Ombelliscience. La journée s’est terminée par un atelier pratique, animé par Guillaume Boutanox.
Les bandes dessinées sur les sciences sont en plein essor. Le format séduit de plus en plus, et est utilisé comme média de transmission des savoirs scientifiques, ainsi que de la recherche en train de se faire. D’après Laurence Bordenave, fondatrice de Stimuli, « depuis 2016, nombre de maisons d’édition spécialisées en BD ont développé leur collection « science » », signe d’un intérêt croissant du monde éditorial mais aussi des publics. Si l’enseignement s’approprie ces outils en appui pédagogique, comment s’emparer de la BD et de ses codes dans les actions de médiation scientifique ? Cette table-ronde a pour objectif de faire ressortir des retours d’expériences, ainsi que des usages et bonnes pratiques.
L’Université de Lorraine, entre 2016 et 2018, a travaillé avec le duo de dessinateurs nancéens Peb & Fox sur la réalisation d’une bande-dessinée vulgarisant les travaux de thèse des 11 doctorants lorrains finalistes du concours Ma thèse en 180 secondes. La création de cette bande dessinée découle d’une envie de proposer au public un objet qui vive au-delà de l’évènement. La volonté était également que le doctorant soit au cœur de la présentation : son histoire, son parcours, sa vie en dehors de la thèse, en complément de leur présentation orale, centrée sur leur travail de recherche, sur scène lors de Ma thèse en 180 secondes.
Le format a un autre avantage – non négligeable : aller plus loin dans la formation des doctorants en leur proposant un format différent : apprendre à scénariser leur recherche, à la contextualiser différemment, en travaillant avec les dessinateurs et un médiateur. L’expérience a encore été prolongée, avec la réalisation chaque année d’une exposition de panneaux itinérante, et une compilation des trois recueils de bande dessinée, parue aux éditions EDP Sciences. Pour aller encore plus loin, des moments de rencontre avec le public ont été organisés en marge de Ma thèse en 180 secondes : Fête de la Science, projections-débats, Pint of Science, etc.
Cette année, l’expérience dépasse le cadre de l’Université de Lorraine avec la réalisation d’une bande dessinée nationale, en collaboration avec le ministère de la Recherche, de l’Enseignement supérieur et de l’Innovation, et du Syndicat National de l’Edition. Douze doctorants issus de différentes universités françaises verront leurs travaux de recherche vulgarisés dans Sciences en bulles, bande dessinée diffusée à l’occasion de la Fête de la Science. Un escape game développé par Délires d’Encre, en extension de la bande-dessinée, sera également proposé.
De son côté, Ombelliscience a choisi également la bande dessinée comme outil de médiation scientifique. L’association a organisé une formation doctorale « Sciences en BD » pour 25 doctorants de l’Université Picardie Jules Verne depuis 2017 avec l’aide du collectif Stimuli. Stimuli est en charge de la conception et de l’animation de cette formation dont l’objectif est de donner les outils nécessaires aux doctorants pour valoriser leur recherche en BD. Nicolas Brazier présente le format : trois jours de formation avec Laurence Bordenave et un dessinateur, à l’issue duquel les doctorants sont invités à produire une planche de BD, utilisé ensuite comme support pédagogique, mais aussi dans des posters et des publications scientifiques vulgarisés. Les doctorants ont parfois utilisé ce qu’ils ont produit en appui pédagogique, pour communiquer auprès de leur cible par exemple.
Le média bande dessinée, plus particulièrement la scénarisation de sa recherche, a un sérieux avantage d’après des retours des doctorants eux-mêmes, retours recueillis par Ombelliscience après la formation : celui de leur faire se poser des questions qu’ils ne se seraient pas posées autrement. Guillaume Boutanox, illustrateur et membre du collectif Stimuli, intervenant dans la dernière session de formation à Amiens, affirme que la bande dessinée est un média aisément accessible pour peu que l’on en connaisse les codes. Il est tout à fait possible de raconter une histoire en BD sans être un dessinateur professionnel : la narration séquentielle permet souvent de raconter simplement des idées complexes.
Quelle est alors la meilleure manière d’y placer des contenus scientifiques ? Selon Nicolas Beck, la question de la crédibilité de ce média s’est posée dans la communauté scientifique au démarrage du projet « 11 thèses en BD », pour lequel le principal frein rencontré était la réticence de certains chercheurs face à la pertinence de la BD pour « parler » de recherches complexes. Une des réponses apportées par le service Culture Scientifique et Technique se trouvait dans le rôle du médiateur qui est essentiel pour apporter un point de vue complémentaire à ceux du chercheur et de l’illustrateur, avis partagé par tous les intervenants de la table ronde
Reste aujourd’hui à prolonger ces initiatives pour que les jeunes chercheurs, formés à ces formes d’écriture souvent inédites dans les laboratoires, puissent partager leurs compétences, avec l’aide des services dédiés, au sein de leur université, mais aussi en dehors, en CCSTI, en classe ou en bibliothèque.