Des paysages entre monts et vallées à couper le souffle, le grand air, la rivière. Là, des fermes isolées, des villages de quelques dizaines ou centaines d’habitants, ici, un bassin de vie de plusieurs milliers de personnes qui constitue le 2è pôle industriel de l’Ardèche. Le décor est planté. Nul besoin de préciser que les distances s’évoquent en temps et non en kilomètres. Le secteur des Boutières situé en Centre-Ardèche a ce petit quelque chose de particulier : on y vient, on y vit ; il est bien desservi par tous les services publics qui ne cessent de se réinventer pour perdurer et la culture scientifique a su y trouver sa place.
Un triptyque unique en son genre
Les collectivités publiques locales sont à l’initiative de projets culturels structurants. Ainsi la ville du Cheylard (3 000 habitants) a créé L’Arche des Métiers, mini cité des sciences, « petite-fille de la Villette » se plait à commenter le maire. Sur le plateau, en plein vent, le village de Saint-Clément (80 habitants) invente l’Ecole du vent, lieu atypique entre sciences et poésie. Non loin de là, la commune de Mars (260 habitants) joue sur l’homonomie de son nom et voilà que pointe vers le ciel Planète Mars-Observatoire Hubert Reeves.
Sciences et collectivité
Au moment où la loi NOTRe impose des regroupements territoriaux en faveur d’intercommunalités plus étendues, on s’interroge ici sur ce que l’on a de commun entre les « raiols » et les « padgels », entre « ceux d’en bas » et « ceux d’en haut ». Les vallées semblent infranchissables dans les mentalités. Il faut faire et réussir avec. Et si la culture offrait des passerelles ? Et si la science nous unissait ? Pour le Docteur Jacques Chabal, Président de la récente Communauté de communes Val’Eyrieux : « avoir un CCSTI en ruralité est indispensable car le développement économique et la création, l’innovation, se nourrissent de la raison scientifique et du débat ». Le message est là, le portage politique est fort. La communauté de communes se distingue par son volontarisme en matière de culture scientifique. On décidera de réunir sous une seule entité les trois sites pour composer le CCSTI de l’Ardèche. « C’est l’idée d’un triptyque universel mis à disposition de tous », selon le Dr J. Chabal. Une équipe mutualisée anime désormais l’ensemble. Si tout n’est pas simple, le constat est bien là : à trois, on est plus fort, on mêle les réseaux, le rayonnement départemental n’est plus à démontrer, l’ambition devient régionale.
Visuel 3 : L’Ecole du vent, entre sciences et poésie, « un pays qui rêve est un pays qui vit ! » – Crédits : © Ecole du Vent
Oser les sciences comme levier de développement
La tête dans les étoiles mais les pieds sur terre, le CCSTI de l’Ardèche possède un ancrage territorial fort. Géré au sein de la Direction de la culture de la communauté de communes, dont il est le fer de lance, il œuvre aux côtés des médiathèques et de la lecture publique, de la saison culturelle, des festivals, il est pleinement intégré dans la mouvance de l’Education Artistique et Culturelle lui donnant une teinte art-science, et œuvrera bientôt aux côtés de la nouvelle école de musique. Cette approche pluridisciplinaire lui ouvre un champ des possibles tout comme elle nourrit et fait rayonner la science au sein des autres services culturels, une relation gagnant-gagnant. Il infuse naturellement le projet culturel de territoire, mais au-delà, fédère les industriels, en leur consacrant une vitrine via une exposition permanente mais aussi en portant haut les valeurs et innovations via les médiateurs scientifiques. « Cette aventure CCSTI, partagée par les industriels, montre la réalité de la science et de la recherche qui écrit notre quotidien. De la confrontation, naît la vérité future. » Dr J. Chabal
Planète Mars-observatoire Hubert Reeves, sur la commune éponyme – Crédits : © Olivier Garde 2016
Des « circuits scientifiques plus courts »
Si nous sommes loin, alors allons au-devant des publics. L’itinérance est devenue un axe d’action majeur et une part importante des recettes. Elle comble la saison morte, elle pallie les difficultés de déplacements des bus sur les routes sinueuses, elle offre une réponse aux enjeux de mobilité du moment. Ainsi, chaque jour, l’équipe de médiation sillonne les routes ardéchoises pour aller au plus près des résidents, éloignés des centres à rayonnement culturel forts, tandis que les équipements et leurs programmations nourrissent les publics locaux et le tourisme culturel.
L’Astromobile, le camion des sciences et la clio volante compose la flotte du CCSTI de l’Ardèche qui ne cesse de développer ses actions à l’itinérance – Crédits : © Tous droits réservés
Se ré-inventer, toujours
« Nos publics sont éloignés, nos outils se doivent d’être performants. Sur ces territoires, on n’a pas le droit à l’erreur » commente Naomi Dumas, responsable du CCSTI. Le défi au quotidien est alors d’attirer des publics à l’heure où la mobilité est profondément remise en question, et pour cela, être à la fois suffisamment inventif, novateur, qualitatif, pour susciter la curiosité. C’est ainsi que L’Arche des Métiers accueille cette année l’exposition « Froid » de stature internationale, conçue et réalisée par La Cité des sciences et de l’industrie ; que l’Ecole du vent a complétement refondu sa scénographie et sa muséographie, replaçant l’Homme au sein du vivant, à l’ère de l’anthropocène, et proposant au visiteur une nouvelle expérience inspirée des tendances d’outre océan entre interprétation, immersion et même méditation ; que Planète Mars surfe sur la vague du tourisme spatial et astronomique, en plein essor, et ose les comparaisons du rural à l’intersidéral.
En somme, un projet que le contexte géographique rend fragile et sensible. Un projet qui se doit de se réinventer sans cesse, d’être à la pointe tant dans les sujets que dans les médiations. Petits sites isolés diront certains, grands enjeux répondons-nous avec l’intime conviction que nos sites participent, à leur échelle, aux grandes réflexions sociétales du moment et au rayonnement de la culture scientifique, laissant à chacun le droit de savoir et de comprendre. Sans oublier, jamais, que derrière, ce sont des hommes et des femmes politiques et des techniciens qui animent par leur passion et leur implication ce coin de pays parce que cela a du sens.
« L’avenir se joue en science, un grand combat reste à mener ». Dr J. Chabal