Jean-Luc Gaignard, directeur du CCSTI Terre des Sciences, participera à la table ronde « Education – recherche – médiation – entreprise : quelles articulations ? ». Il nous livre ici son point de vue sur cette thématique.
Science en partage 2.0, qu’est-ce que cela vous inspire ?
De nouveaux outils, de nouvelles pratiques qui peuvent toucher un public plus large, un public dans des situations, des lieux où nous ne pensions à priori pas pouvoir développer la CSTI. Terre des Sciences installe par exemple des QRcodes dans des jardins touristiques au fil de la Loire (Château d’Angers, Terra Botanica, jardins de la Loire à vélo) dans lesquels sont associés le patrimoine végétal et les innovations produites par les labos et entreprises.
Cela permet par exemple de visionner des vidéos sur le pôle de compétitivité sur le végétal spécialisé Végépolys, sur des recherches… et ainsi développer la CSTI à partir des sites qui accueillent des centaines de milliers de visiteurs (1).
C’est aussi un outil puissant pour conduire notre communication avec les réseaux sociaux. Les outils youtube, facebook, pinterest, twitter… ouvrent des possibilités de médiation, de sensibilisation vers des publics jeunes, par exemple. Il faut nous saisir de cela, ce que nous ne faisons peut-être pas encore assez, si l’on souhaite atteindre encore plus largement les jeunes.
L’utilisation de ces outils nécessite cependant des stratégies clairement définies et des compétences identifiées, donc des moyens nouveaux. D’autres voies plus classiques comme le site web demeurent également toujours efficaces, il ne faut pas les oublier. Nous avons un bon exemple en Pays de la Loire avec culturesciences animé par le réseau de la CSTI avec la région.
Education, recherche, médiation, entreprise : est-ce que c’est conciliable ? Pourquoi est-ce important de les concilier ?
Dans la Loi d’orientation et de programmation de la recherche (1982), le législateur a inscrit le développement de la CSTI et le débat science – société. En 1994, Callon et al (2) développent le concept de la Rose des vents de la recherche qui positionne le chercheur au cœur d’un dispositif interactif avec la société. On a vu se développer les technopoles et les pôles de compétitivité qui développent le travail en réseau entre recherche – enseignement supérieur et production pour développer l’innovation.
Louis Gallois, dans son rapport « Créer un choc de compétitivité » (3), remis au Premier Ministre, en novembre 2012, place l’innovation comme une source de croissance, avec les pôles de compétitivité qui sont confortés. Pôles inscrits aujourd’hui dans la Nouvelle France Industrielle. Louis Gallois a bien posé la question de la CSTI, du dialogue science – société – innovation dans son rapport, source de rencontres et d’échanges avec la société.
Terre des Sciences travaille avec les pôles ligériens, par exemple le pôle végétal – Végépolys. Son action s’inscrit tout au long de la vie en développant la CSTI dès le plus jeune âge, puis la découverte de la science en train de se faire, de l’innovation naissante, les formations et les métiers dans des filières qui présentent des voies de réussite pour les jeunes. Il s’agit aussi de l’appropriation sociale des innovations et de l’économie du territoire par sa population qui peut en devenir des ambassadeurs.
L’action École du Végétal que nous menons permet ainsi aux collégiens et lycéens de la région de découvrir la filière végétale au travers de ses formations, de ses métiers et des ses recherches. Nous avons pour cela défini des parcours, construits des outils de médiation au service de cette découverte qui s’inscrit pour ces jeunes dans une découverte, appropriation de leur territoire, mais qui permet également de se projeter pour certains dans leur avenir professionnel.
La dimension critique est également mise en œuvre, par exemple dans le cadre d’un living lab installé au cœur du parc à thème Terra Botanica, au sein duquel les visiteurs sont interrogés sur des innovations en cours d’élaboration, afin que chercheurs et entrepreneurs intègrent les questions et avis des futurs consommateurs et ajustent l’offre avec l’attente. Terre des Sciences œuvre dans cette démarche via un grand nombre d’actions et avec une multitude d’acteurs des Pays de la Loire.
Au regard de notre pratique, nous pouvons donc non seulement dire que « Education, recherche, médiation, entreprise » sont conciliables, mais également qu’ils sont souvent interconnectés. Le concept pôle de compétitivité ouvre des perspectives d’emploi mais nous devons toujours être exigeants sur le débat démocratique, au cœur des technosciences. Il est donc essentiel au public, et principalement aux jeunes qui aujourd’hui construisent leur avenir professionnel, de pouvoir apprécier cela.
Le 2.0 est-il une opportunité ?
Oui, c’est une opportunité car cela permet d’investir de nouveaux lieux, de diffuser nos ressources autrement et plus largement, mais c’est aussi une responsabilité de formation, de développement du sens critique et de l’usage raisonné. La puissance de l’outil ne doit pas cacher les enjeux du big data, des géants du numérique qui « aspirent » au travers Internet, mobiles et objets connectés des milliards de données sur notre vie. (4). C’est une autre alerte à intégrer. La mission de nos CCSTI est énorme, oeuvrons pour amener des usages réfléchis qui contribuent à notre qualité de vie et liberté.
Notes
(1) Jean-Luc Gaignard, Du roi René à Végépolys – Les plantes naissent et fleurissent en Anjou, éd Terre des Sciences, Végépolys, Terra Botanica, 180 p, 2016
(2) Michel Callon, Philippe Larédo et Philippe Mustar, Panorama de la recherche française, La Recherche, 264, 378-383, 1994
(3) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, La Documentation Française, 75p., 2012
(4) Marc Dugain, Christophe Labbé, L’Homme nu – La dictature invisible du numérique, éd Robert Laffont et Plon,197p, 2016