Une étude sur la participation des citoyens aux politiques des patrimoines

Du partage des sciences à l'engagement citoyen - 40 ans de politiques de CSTI
Figure 4 - L’évolution de la structuration de la participation

En septembre 2020, le directeur général des patrimoines confiait une mission d’étude à l’inspection des patrimoines sur le thème du bénévolat et de la participation des citoyens aux politiques des patrimoines.

L’étude a été menée principalement par quatre conservateurs généraux, inspecteurs du patrimoine, de la fin de l’année 2020 à la fin de l’année 2021, dans le contexte particulier de la crise sanitaire. Elle a consisté en une analyse de la littérature consacrée à ce sujet et surtout en des entretiens semi-directifs avec 250 acteurs des différents champs du patrimoine, représentant l’administration, les collectivités territoriales et la société civile.  L’étude s’est prolongée par l’organisation d’un colloque avec ateliers participatifs et restitutions, en début d’année 2022. Les éléments du diagnostic présenté dans le rapport qui a été remis en mai 2022 font le bilan de l’évolution du bénévolat et du phénomène participatif.

Figures 1 et 2 : répartition des participants à l’étude en fonction
des champs patrimoniaux et des provenances

La participation aux politiques des patrimoines par la société civile prend des formes très variées qui évoluent dans le contexte actuel des politiques patrimoniales et du développement des technologies numériques. Elles peuvent se résumer en trois catégories :

  • une « production bénévole » anciennement implantée et qui évolue vers des actions plus modernes de participation ; 
  • une présence de plus en plus forte des « consultations citoyennes » ; 
  • un souci de plus en plus important de proposer une « réception active » des actions de valorisations des patrimoines auprès des publics.
Figure 3 : les trois catégories
de la participation citoyenne

La deuxième caractérisation de la participation concerne les participants eux-mêmes avec deux axes qui ressortent de l’étude et qui présentent chacun une évolution dans le temps : la participation collective versus la participation individuelle (cf. fig. 4) et « les » professionnalisations.

Les professionnalisations observées concernent d’une part, celle des bénévoles par intégration dans la fonction publique, mouvement très marqué dans la deuxième moitié du du XXe siècle, avec des modalités et des rythmes très variés suivant les champs du patrimoine. D’autre part une nécessaire formation des acteurs quels qu’ils soient (bénévoles, professionnels, propriétaires, élus) aux actions participatives.

Figure 4 – L’évolution de la structuration de la participation

Les éléments du diagnostic tentent aussi de répondre à trois questions :

  1. Les évolutions constatées ont entraîné des modifications dans les rapports entre les deux parties, rapports qui expriment les tensions anciennes et nouvelles, souvent différenciées suivant les champs patrimoniaux, mais qui reflètent toujours les évolutions sociétales demandant une plus grande « inclusivité ».
  2. Ces évolutions constatées posent la question de la légitimité, des professionnels et des citoyens participants, comme celle des élus. Cette légitimité n’a pas le même fondement lorsque l’on considère les citoyens comme du « public » ou comme des « habitants » ou même comme une « communauté » (les droits culturels). Elle peut remettre en cause la compétence acquise par le professionnel ou la représentativité démocratique de l’élu.
  3. Ce constat pose aussi la question des limites de la participation. Les catégorisations de la participation montrent qu’elle peut avoir différents degrés. Elle demande une acceptation de la part des professionnels comme des élus, du temps et des moyens pour surmonter les difficultés juridiques et administratives et celles liées aux formations nécessaires et de réfléchir aux remises en cause possibles du pouvoir ou de la science.

Certes, l’étude portait sur la participation dans les champs du patrimoine et non la CSTI, mais outre que les champs du patrimoine recoupent très souvent celui de la culture scientifique (archéologie, histoire, muséums …), les tendances observées se retrouvent souvent dans les différentes natures de participations citoyennes.

 

Pierre Pénicaud est conservateur général du patrimoine. Agrégé de sciences naturelles après s’être spécialisé en génétique des populations et théories de l’évolution, il a enseigné en France et à l’étranger. Il a été pendant 13 ans directeur du muséum d’histoire naturelle de Clermont-Ferrand. Il a ensuite participé à la direction des galeries du Jardin des Plantes au Muséum national d’Histoire naturelle, à la rénovation du Musée de l’Homme et mené une mission d’étude générale sur le patrimoine mobilier du MNHN. Depuis 2019, il a rejoint l’inspection des patrimoines au Ministère de la Culture, où en plus des missions d’audit, il participe à des études (organisation des musées au regard des réformes territoriales, participation des citoyens aux politiques des patrimoines, statuts des biens mobiliers culturels).

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