Badgeons la CSTI !

Partagé par le réseau

Depuis le dernier congrès de l’Amcsti, le concept de reconnaissance et les open badges qui l’incarnent sont adoptés par un nombre grandissant de professionnel·le·s des cultures scientifique, technique et industrielle. Si des critiques et réticences légitimes persistent encore sur cet outil, un nombre croissant d’initiatives, accompagnées par l’Amcsti et le Dôme, fleurissent dans l’ensemble du réseau et préfigurent des usages qui dépassent largement la reconnaissance symbolique des compétences.

Quelques critiques et questions récurrentes :

Mais quel est le modèle économique ?

Les open badges sont un nouvel outil, ils génèrent donc de nouveaux coûts. Mais pour les premières expérimentations, des pistes de partage et de portage peuvent être envisagées. C’est ainsi que l’Amcsti s’est portée volontaire pour héberger les premiers badges et demandes de badges que les membres de la communauté « Badgeons la CSTI » souhaitent expérimenter avant de se lancer pleinement dans l’aventure. Aujourd’hui, c’est la plateforme Open Badge Factory (pilotée par un des pionniers de l’open badge en Finlande et soumise au RGPD) qui est choisie car elle présente le plus grand nombre d’usages et d’interactions au bénéfice des usagers. Mais des solutions open source continuent d’être développées, moins robustes, mais dont chacun peut se saisir.

Mais c’est encore du numérique ?

Une autre critique est celle du tout numérique. Aujourd’hui, les badges ne constituent pas un réseau ou un média socio-numérique, mais ils sont bien pensés pour y être valorisés, partagés et discutés. Le badge est avant tout une image numérique donc il est fait pour être montré. Mais d’autres modes de partages et de visionnage que les réseaux sociaux existent ou sont en cours de développement. Que penser également de leurs impacts sur l’environnement liés au stock de données ? Quelle fracture numérique les badgent participent-ils à creuser ? Les réponses à ces questions sont encore à construire. Mais par leur caractère individuel et réflexif, leur simplicité et portabilité (ce ne sont que des images), les open badges constituent surtout (et peut-être avant tout) un outil complémentaire d’accessibilité mais aussi d’éducation au concept d’identité numérique, voire d’éducation aux écrans, pour les plus éloignés du numérique.

Mais cela ne dénature-t-il pas la finalité des projets ?

On pourrait ensuite penser que les badges formatent, conditionnent ou imposent une forme d’hégémonie intellectuelle sur ce qu’est un bon comportement, un vrai savoir ou compétence. Mais cette vision est en réalité héritée des biais de compréhension du concept de reconnaissance. Aujourd’hui lorsqu’on évoque les open badges, les premières représentations renvoient aux diplômes, aux attestations et aux certifications. On évoque rapidement des niveaux, des réussites, des grades… Donc, dès lors que l’on envisage des badges de savoir-être, on peut redouter des impacts sur l’estime de soi en cas d’échec. Ce sont en réalité autant de références que les open badges cherchent justement à dépasser puisque c’est la personne qui demande un badge qui remplit ce dernier. Elle est libre d’y indiquer ses propres convictions et représentations de ses compétences et engagements… Ce n’est pas parce que deux personnes ont un même badge qu’il est identique, formaté ou imposé. C’est son contenu, ses métadonnées qui importent. Et celles-ci sont au contraire individualisées.

Mais finalement à quoi ça sert ?

Enfin, beaucoup d’interrogations persistent encore sur le caractère futile et « gadget » des badges, une « carotte » qui pourrait se substituer au projet, à la démarche culturelle et éducative, ou viendrait trahir le sens de l’engagement. Ces critiques témoignent là aussi d’une nécessité de préciser l’usage des badges et le concept de reconnaissance. Car les open badges permettent au contraire d’incarner et révéler les objectifs des projets. Parfois ils aident ou rappellent même qu’il est nécessaire de les formaliser, qu’il s’agisse de transmettre des savoirs, des savoirs faire ou bien d’acculturer aux démarches de projets ! Ils permettent enfin d’activer des leviers de motivation et de participation et de sortir de l’idée que tout engagement ne pourrait se faire que par militantisme.

Vers des open badges au service de territoires apprenants

Aujourd’hui, partager une matrice de conception de badges commune – telle qu’elle est déjà utilisée par le réseau de l’Amcsti – facilite la convergence et la mutualisation de nos expérimentations, mais aussi la reconnaissance des professionnel·le·s et bénévoles avec qui nous travaillons. Dans le prolongement du groupe constitué sur l’évaluation et la mesure d’impact de nos pratiques, une petite communauté réfléchit et teste dès à présent des protocoles qui pourront être expérimentés dès demain à l’échelle nationale.

Badgeons la CSTI

Valoriser et animer les communautés

Parmi les chantiers explorés prioritairement avec l’Amcsti, on trouve justement ces communautés. Qu’il s’agisse de publics, de collègues ou bien de partenaires, ces groupes sont devenus un important maillon de la diffusion, de la fréquentation comme de la production de médiation scientifique. Disposant de leur propres pratiques, de leurs propres rythmes, savoirs et expertises, elles sont devenues au fil des ans et avec l’élargissement des pratiques numériques, des composantes importantes de nos « territoires apprenants ». Favoriser la reconnaissance entre les participants et les contributeurs de nos événements et manifestations constituerait aussi un levier pour faire émerger un esprit « promotion » ou « photo de groupe » liant le territoire et les personnes qui le composent.

Alors comment favoriser la reconnaissance voir l’émergence des communautés grâce aux open badges, comment les structurer, faciliter leur animation ou bien valoriser leurs contributions ? Comment permettre également les interactions et faciliter les échanges entre elles, identifier les compétences, les ressources et les savoir-faire qui la composent ? Les usages des open badges devraient favoriser la reconnaissance des compétences, des savoirs mais aussi des actions partagées qui fondent ces communautés.

Reconnaître les compétences d’aujourd’hui et de demain

Vient donc naturellement la question des compétences, puisque les open badges ont initialement émergé comme une réponse aux questions de reconnaissance des apprentissages informels ou mis en œuvre par l’expérience. Pour le secteur des CSTI, ils permettraient de revendiquer des savoir-faire partagés ou au contraire spécifiques chez nos collègues comme chez nos partenaires ou bénévoles. On imagine par exemple l’organisation et l’animation de conférences participatives, la conception ou la fabrication d’expositions interactives, la connaissance de la médiation auprès de publics spécifiques (établissement de santé, milieu carcéral, publics isolés…) mais aussi la recherche participative ou encore la gamification et la conception d’escape games. 

À l’heure où les métiers de la médiation confirment leur évolution numérique, il devient également pertinent de reconnaître et valoriser, dans nos équipes, les compétences qui s’y rattachent, que ce soit en vidéo, médias sociaux, développement d’interfaces numériques, en réalité virtuelle, augmentée, immersive… et les nouveaux formats de médiation qui les accompagnent en ligne à l’image des tutoriels scientifiques et des youtubers. En plus d’être un outil pour nous retrouver, échanger et partager, cet usage peut également guider dans l’appréhension des futures mutations de nos métiers et l’évolution nécessaire des formations qui y mènent.

Enfin, avec les open badges, il est dès aujourd’hui possible de cartographier les savoir-faire (spécifiques ou génériques) de nos établissements, nos expertises, nos champs d’explorations. Cet usage permettrait également de repérer les personnes formées à certains outils, et de trouver les professionnel·le·s, les bénévoles ou les outils pour réaliser un projet de culture scientifique de proximité. On perçoit donc rapidement le potentiel de ce type d’usages pour assurer le maillage de territoires à forte dimension rurale, voire enclavés.

Mesurer l’impact et nos contributions 

LesConnecteurs-DecouverteLe dernier usage plébiscité par les membres de l’Amcsti est celui de l’évaluation et de la mesure d’impact de nos activités. Depuis plusieurs années, ce sujet traverse les réflexions du réseau et évolue positivement au fil des ateliers qui lui sont consacrés. Au travers des open badges, un nouveau terrain s’ouvre à nous. Avec un même outil, il devient possible de représenter et reconnaître le degré d’engagement des personnes, mesurer le rayonnement territorial de nos activités, d’identifier l’ampleur des personnels des équipe de recherche associées, ou simplement mesurer l’engagement et l’adhésion de nos publics aux activités qui leur sont proposés. Au fil des années, il serait même possible d’identifier parmi les adultes qui viennent sur nos événements, ou parmis les futur·e·s chercheur·se·s avec qui nous collaborerons, celles et ceux qui ont obtenu des open badges quelques années auparavant et ainsi témoigner du rôle de nos centres dans l’orientation active en faveur des filières scientifiques.

Aujourd’hui des expérimentations open badges sont également lancées pour activer et mesurer l’impact de programmes dédiés à l’égalité femmes/hommes en CSTI, le fact checking, l’adhésion à des programmes de recherche participative ou l’engagement et la formation de doctorants pour aller rencontrer des publics en milieu rural… En complément, sont déjà pressentis la structuration des projets communs de l’Amcsti, la contribution ou le partage d’expériences lors de son congrès, l’engagement de bénévoles et volontaires, de certains scientifiques ou simplement se déclarer intéressé et motivé par des chantiers de CSTI.

« On ne devrait appeler culture que les entourages qui procurent aux individus les conditions de leur liberté, qui donnent lieu à des usages diversifiés et créatifs, aisément appropriables par les individus qui en usent, et support d’une activité dont l’expérience élargit les facultés. » (J. Zask, 20111)

Quels que soient nos territoires, mais particulièrement pour les plus enclavés, nous pouvons grâce aux open badges reconnaître et motiver l’engagement et la participation de nos partenaires, de personnels de la recherche, du tiers secteur scientifique et bien sûr de nos publics pour encore mieux participer de cette « culture vraie ». C’est en expérimentant cet outil de reconnaissance que nous pourrons également mieux nous connaître, nous faire connaître et peut-être mieux nous faire reconnaître.

  1. « Participer », Joelle ZASK, édition Le Bord de l’eau, 2011, 200

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