Interview croisée – Christophe Dufour & Ludovic Maggioni

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Côté suisse, après trente-six années à la tête du Muséum de Neuchâtel, c’est Christophe Dufour qui cède la place à Ludovic Maggioni.

Un passage de relais n’est jamais simple… Pour vous c’était comment ?

Ludovic Maggioni : Le passage de relais a été très bien organisé. Nous avons eu la chance avec Christophe, de travailler trois mois ensemble. Je suis arrivé pendant le montage d’une exposition, j’ai pu vivre les derniers moments toujours un peu tendus de la création d’une exposition.

Christophe Dufour : On a fait trois mois de tuilage. C’est une chance parce que politiquement il y a souvent un trou entre deux engagements pour faire quelques économies. Cette fois, nos responsables politiques ont compris l’importance d’un relais. Le Muséum est ce qu’on appelle en horlogerie, une grande complication, ça signifie qu’il faut gérer un nombre incroyable de paramètres simultanément. Mais Ludovic est hyper rapide et puis c’est quelqu’un d’agréable qui s’est fait immédiatement adopter par tout le monde.

Le Muséum de Neuchâtel aujourd’hui c’est quoi ?

C. D. : Le Muséum de Neuchâtel est connu aussi bien pour ses expérimentations et ses innovations dans le domaine des expos que pour ses collections extrêmement riches de la fin du 18è, du 19è et du 20è siècles. Nous sommes aussi des chercheurs et les dépositaires d’une recherche scientifique de l’université. La grande difficulté est de concilier tous ces domaines sans en négliger aucun avec de petits moyens.

Il y a ce qui est porteur, apprécié du politique parce que visible, mais le moins visible est tout autant essentiel. Si on veut collaborer avec les scientifiques de haut niveau, il est important que l’on ait de la recherche au muséum pour parler d’égal à égal. Il y a le danger d’avoir des animateurs et des vulgarisateurs mais plus de scientifiques actifs.

L. M. : Les Muséums sont des lieux incontournables pour la société où l’on peut rencontrer la nature autour de questions environnementales. Ils sont très pointus scientifiquement et ouvrent les problématiques sur la société, les représentations sociales. Le Muséum de Neuchâtel incarne cela, c’est un lieu social où on accueille des personnes, où se di use la science et où la science se fait. Ce qui est intéressant à Neuchâtel c’est qu’il s’agit d’un petit territoire qui permet de communiquer facilement avec différents partenaires.

Et le Muséum de Neuchâtel demain ? Le panorama de la CSTI se transforme. Comment percevoir cette évolution et les enjeux à venir ?

C. D. : La communication scientifique a beaucoup évolué ces quinze dernières années, dans la mesure où les universités sont un peu passées de la tour d’ivoire au café du commerce. Auparavant, on entendait très peu les chercheurs mais depuis quelques années, leurs travaux sont davantage mis en avant. L’actualité scientifique est assez bien présentée par les universités, et les musées qui jouaient ce rôle d’information doivent peut-être revenir au format particulier qui est le leur, celui des expositions, où nous pouvons apporter une forme d’information plus structurée.

L. M. : Ce qui est intéressant avec le Muséum, c’est qu’il s’agit d’un lieu pluridisciplinaire où l’on peut parler de la nature de manière culturelle, faire intervenir des artistes, aborder les sujets de manière anthropologique, biologique, zoologique… et tout faire dialoguer dans les expositions afin de donner à comprendre la complexité du monde dans lequel nous vivons. Le rôle du Muséum et de la CST en général est d’être curateur de contenus que l’on va agréger pour montrer que nous ne sommes pas dans un monde binaire mais dans une vraie complexité. Il faut donc continuer à expérimenter dans ce sens.

Quelques conseils pour votre prédécesseur/successeur ?

C. D. : Je voudrais dire à Ludovic de ne pas trop suivre mes conseils surtout ceux qui n’ont pas été sollicités. À l’inverse ne pas hésiter à demander conseils aux collègues conservateurs qui sont très aidants.

L. M. : Continuez à me donner des conseils. Continuez à échanger ensemble, il y a encore beaucoup à faire.

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