La Maison Poincaré s’attaque à la sous-représentation des femmes en mathématiques

Du partage des sciences à l'engagement citoyen - 40 ans de politiques de CSTI
© Alexandre Besson - Atelier Novembre

La proportion de femmes au sein de la communauté mathématique universitaire est stable depuis des décennies : autour de 20%. La proportion de jeunes femmes s’engageant dans des études à dominante mathématique reste aussi anormalement basse.

Pourtant, filles et garçons ont un cerveau fait de la même manière et suivent le même cursus scolaire obligatoire, en France du moins. C’est à l’heure des choix de filières que le poids des stéréotypes véhiculés depuis l’école primaire joue un rôle démesuré. Le stéréotype éculé selon lequel les filles seraient moins fortes en mathématiques que les garçons a la vie dure. Des études montrent que la peur même de confirmer ce stéréotype empêche les filles de bien effectuer des tâches mathématiques dont elles sont pourtant parfaitement capables. 1 Le résultat se lit dans le monde du travail : les métiers des mathématiques et domaines voisins sont très peu féminisés, et ainsi propices à entretenir les préjugés sexistes.

Rééquilibrer la situation, c’est permettre à toutes les femmes qui souhaitent exercer des métiers mathématiques de s’y épanouir. C’est aussi nourrir ces métiers de points de vue diversifiés : construire le monde de demain sans se priver de la moitié de l’humanité. Pour ce faire, il faut prendre le problème à la racine. 

« S’attaquer aux préjugés et montrer que les mathématiques sont accessibles à tout le monde. C’est l’ambition de la Maison Poincaré. »

Portée par l’Institut Henri Poincaré, la Maison Poincaré ouvrira en 2022-2023 au cœur de Paris un espace d’exposition permanente dédié aux mathématiques, avec la volonté de montrer qu’elles constituent une science vaste, vivante et universelle, en interaction permanente avec les autres sciences et la société. Bien que ce soit un domaine démesurément masculin, nous avons fait le choix d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes, comme une aspiration à ce que le monde mathématique devrait être. Nous avons aussi voulu compenser le fait que l’histoire des mathématiques n’a principalement retenu que des hommes. Certaines femmes ont été sciemment occultées par leurs collaborateurs. De plus, les rares mathématiciennes qui sont passées à la postérité, telles qu’Emmy Noether ou Sophie Germain, étaient des femmes encore plus exceptionnelles que leurs homologues masculins. Les difficultés à surmonter étaient en effet bien plus importantes.2

L’équipe qui pilote le projet s’est largement renouvelée et féminisée depuis son lancement et ce fait n’est pas étranger à son évolution féministe. En particulier, l’arrivée de Sylvie Benzoni-Gavage en 2018 a marqué un tournant, avec la volonté de donner au projet une nouvelle direction, plus engagée. Nous nous sommes efforcées de présenter autant de portraits de femmes que d’hommes tout au long du parcours de visite, qu’il s’agisse de portraits vidéo, audio ou photo, de personnalités historiques ou actuelles. Nous avons étendu cet objectif de parité au choix des voix off de narration, des comédiens et comédiennes et des personnages de fiction pour tous les films et dispositifs audio et audiovisuels du parcours de visite. Il était important de ne pas tomber dans les biais sexistes ancrés qui préfèrent les voix d’hommes et leur donnent la place du « sachant » qui raconte. 

« Nous avons fait un choix fort : celui de la parité. »

Nous avons dû tenir bon face aux critiques et préjugés sexistes. Pour donner un exemple, l’espace « Devenir » de la Maison Poincaré présente des portraits de mathématiciennes et mathématiciens, pour illustrer une diversité de parcours de vie. La sélection de ces 16 portraits a suscité des débats houleux et des critiques face à la contrainte de parité que nous nous étions donnée.

Parmi les arguments que nous leur avons opposés, nous avons rappelé que le but n’était pas de créer un Panthéon des « meilleurs » mathématiciens aux yeux de leurs pairs, mais de partager des exemples de parcours de vie auxquels les jeunes peuvent s’identifier, garçons comme filles. L’enjeu n’est alors pas de sélectionner les « plus forts », mais de présenter une diversité de parcours inspirants. 

 

1 Voir l’article de Pascal Huguet et Isabelle Régner, Counter-stereotypic beliefs in math do not protect school girls from stereotype threat, Journal of Experimental Social Psychology 45 (2009).

2 Voir l’article d’Évelyne Barbin, L’enseignement des mathématiques aux jeunes filles et les stéréotypes de genre, REPERES - IREM. N° 97 - octobre 2014.

Article à retrouver dans sa version longue originale dans le Guide pour un musée féministe, porté par l’association musé.e.s.

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