[Parcours 3] La CSTI à l’âge du faire

[Re]connaissance
Photo : Le Dôme – En pleine séance d'atelier de co-design

Les outils permettant d’imaginer, de concevoir et de fabriquer à plusieurs se diversifient et se démocratisent. Leur dissémination transforme les méthodes et la finalité de projets de culture scientifique, autant qu’elle les conforte.

De l’éducation populaire à l’innovation populaire

Ces dernières années, nous assistons à l’émergence de stratégies et de formes d’organisation qui proposent de renforcer le rôle des individus et de la société civile dans la réponse à la diversité de leurs besoins. Un nombre grandissant d’associations, d’acteurs culturels, de collectivités mais aussi d’entreprises et d’équipes de recherche invite les amateurs comme les néophytes à venir concevoir de nouveaux usages et services, à fabriquer de nouveaux objets.

Cette posture de publics acteurs et expérimentateurs est historiquement très présente dans la CSTI. Elle est l’un des fondements de la pédagogie active à l’œuvre dans une grande majorité de nos structures. En s’ouvrant aux démarches de co-design et en bénéficiant d’équipements comme les fab labs, les invitations à concevoir ou fabriquer ne sont plus cantonnées à leurs valeurs pédagogiques : leur évolution majeure réside dans leur capacité à faire de la CSTI avec des projets réels développés sur les territoires. Ainsi, si expérimenter sa capacité d’agir et la développer en pouvoir de transformer son quotidien est constitutif des ambitions de l’éducation populaire, alors les méthodes de co-conception et de co-prototypage en sont les outils contemporains.

Quelles places pour l’hydrogène dans nos moyens de transport ? Quels robots dans une agriculture urbaine ? Quels usages de l’intelligence artificielle avec des personnes âgées ? Quel observatoire citoyen de la qualité de l’environnement ? Quelles utilisations locales de nos données ? En permettant l’engagement des publics sur des sujets contemporains et concrets de science et de société, en créant les temps et les conditions qui leur permettent d’innover collectivement, alors la CSTI peut enrichir ses revendications d’éducation citoyenne avec celle d’une innovation populaire.

Imaginer, concevoir et fabriquer

Le design est souvent restreint, dans l’imaginaire collectif, aux champs de l’esthétique et de la fonction. Pourtant, il recouvre de nombreuses acceptions et champs d’application, propices à la mise en œuvre de démarches participatives et à l’implication de la population.

Citons d’abord l’imaginaire, avec le design fiction ou design spéculatif. Celui-ci s’appuie sur la narration pour explorer l’état de nos connaissances et se confronter à un monde futur. Les participants sont invités à s’emparer d’une thématique, puis à faire des propositions d’avenirs possibles, envisageables ou désirables aux regards des connaissances et des évolutions récentes de nos sociétés. Ces scénarios critiques et spéculatifs, sont autant d’incarnations concrètes de la réappropriation et de la compréhension des enjeux par les publics. Cette exploration des implications d’évolutions futures est surtout un prétexte pour envisager le présent autrement et imaginer de nouvelles orientations pour agir.

Avec le design thinking, c’est la conception de services et d’usages concrets qui est mise en avant. Cette approche permet d’identifier et de décrire des parcours individuels ou collectifs, puis d’y repérer des problèmes et points de friction avant d’y apporter des propositions d’améliorations concrètes. Elles confèrent une nouvelle posture aux intervenants et porteurs de projets, venus certes éclairer le collectif de leurs propres expériences, de leurs savoirs ou savoir-faire, mais surtout venus écouter et réfléchir avec les participants. Cette approche reconnaît surtout l’expertise des participants – celle de leurs propres usages et besoins – et leur diversité génère des propositions d’autant plus crédibles qu’elles entrent en résonance avec différents aspects du quotidien.

Reste ensuite à concrétiser les prototypes conceptuels en prototypes réels.

Le processus essai-erreur du prototypage fait partie de la démarche expérimentale. Il participe à la résolution de problèmes concrets. C’est là que les ateliers de type fab lab révolutionnent la capacité des publics à agir sur le réel, à faire. Seul l’acte de prototypage peut transformer une idée et la rendre tangible pour le plus grand nombre. Le prototype incarne la capacité du collectif à avoir une portée sur la vie de la cité autant que le lien entre les publics qui l’ont porté, sans distinction de parcours, d’intention ou de prédisposition aux sciences ou aux technologies. Il permet la reconnaissance de la contribution des publics à la démocratie, en tant que participants à l’action collective.

Devenir des opérateurs territoriaux des transitions

Cette reconnaissance dépasse le cercle des participants dès lors que les scénarios, les usages ou les prototypes ainsi produits sont documentés et partagés en ligne – que ce soit sous la forme de fiches pratiques, de supports de restitution, d’exposition ou de tutoriels – ou au travers d’installations et de mises en test dans un environnement réel.

« J’écoute et j’oublie, j’écris et je retiens, je fais et je comprends ». Cette citation de Confucius continue de nous éclairer sur les vertus du faire. Elle doit nous inspirer dans la façon de partager avec nos publics les enjeux concrets de science et de société. Si elle invite encore à forger les méthodes et les nouveaux cadres déontologiques de sa mise en œuvre, cette entrée dans l’âge du faire confère l’opportunité à de nombreux établissements de CSTI de renforcer leur rôle d’opérateurs publics territoriaux en termes de transitions (numérique, démographique, énergétique, environnementale…) qui bouleversent notre époque.

Note : L’utilisation de l’expression « âge du faire » est un vol et un détournement du titre de l’ouvrage L’Âge du Faire – hacking, travail, anarchie de Michel Lallement, paru aux éditions du Seuil en 2015 et à qui il est rendu hommage par la même occasion !

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Retrouver ce thème au congrès de l’Amcsti 2019

Ce sujet sera abordé lors du 37è congrès de l’Amcsti, qui aura lieu les 3, 4 et 5 juillet 2019 à Caen, en collaboration avec Le Dôme sur le thème « [Re]connaissance ».

Il sera traité dans le parcours 3 : « L’âge du faire »
Construit et animé par François Millet et Pauline Ducoulombier (Le Dôme)

Intervenants : Julien Bobroff (Université Paris-Sud), Geoffroi Garon-Épaule (Pygmalion numérique) et Yannick Avelino (Electrolab)

Pour voir le programme du parcours
Pour retrouver les articles concernant les 6 parcours du congrès

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