Le congrès de la SMQ [Québec]

Carnets de voyage
© Laurent Chicoineau

Chaque année, la Société des Musées Québécois (SMQ) organise un congrès international autour de thématiques transversales à tous types de musées. Cette année, c’est autour du thème « médiations numériques et expériences de visite » que plus de 250 professionnels issus de musées de Beaux-arts, d’art contemporain, de sciences, d’histoire ou de société se sont retrouvés pour échanger pendant 3 jours à Québec. Organisé en partenariat avec l’Ocim et le CLIC France, nous étions plusieurs français invités à participer et partager nos retours d’expérience.

Si nous n’avons pas échappé aux sempiternelles questions de définition (« finalement, c’est quoi le numérique ? »), globalement les échanges ont été très denses, riches, souvent passionnants, le tout dans une ambiance à la fois sérieuse et détendue, bienveillante et exigeante, que seuls les Québécois savent créer – et dont nous serions bien avisés de nous inspirer, parfois. Le clou du spectacle étant la remise des prix de la SMQ à différentes institutions ou personnalités dans une mise en scène « à l’américaine » où ceux qui ne sont pas récompensés se réjouissent pour ceux qui le sont, avant de tous finir sur la piste de danse…

Côté congrès, pas de conférence magistrale mais une succession de tables-rondes faisant la part belle aux questions de la salle. En parallèle, des stands de musées ou d’entreprises du domaine offrent la possibilité aux participants de tester des dispositifs de médiation numérique et de « réseauter ». Star de cette édition 2018, la réalité virtuelle : presque tous les stands proposent d’essayer un masque, avec ou sans son – parfois binaural – et de plonger dans un monde fictionnel ou une reconstitution historique. Nous sommes quelques uns à nous interroger : pourquoi autant de fascination pour une expérience si individuelle, qui nous isole radicalement des autres et de notre environnement, alors que nous ne cessons tous de rappeler notre attachement, à longueur de congrès et de rencontres professionnelles, à l’expérience collective dans nos institutions muséales ? Effet « wow », magie de la technologie… la place de la réalité virtuelle dans les expositions reste encore, il me semble, à définir.

© Laurent Chicoineau
© Laurent Chicoineau

A l’inverse, le dispositif des « portes virtuelles », développé pour le Musée Naval de Québec, retient l’attention. Expérience collective dans et hors du musée, ces portes en bois au look inspiré par l’architecture québécoise ouvrent sur un écran tactile géant qui met en scène un personnage historique. Du doigt, vous faites défiler sa vie-son œuvre et, régulièrement, vous êtes mis en communication vidéo avec quelqu’un en train de faire la même chose, sur une autre porte, dans un autre musée, quelque part. Se constitue alors un réseau de portes à travers l’espace et le temps – qui n’est pas sans rappeler les magiques portes « dis-trans » imaginées par Dan Simmons dans son roman « Hypérion ». Souci de la mise en scène du dispositif numérique, utilisation collective, mise en relation des visiteurs, mise en réseau des musées, approche éditoriale cohérente… ces portes sont à la fois simples et sophistiquées ; inspirantes. Et si on étendait leur réseau par-delà l’océan Atlantique ?

Revenons aux tables-rondes. « En tant que jeune adulte, je ne partage pas la frénésie pour les outils technologiques dans les musées » confie une participante depuis la salle. Incontournable le numérique dans les musées ? Oui, mais. Pas n’importe comment, pas toujours, pas trop, pas à la place de. Sans surprise, les professionnels de la muséologie québécois rappellent l’importance du rapport direct aux œuvres ou objets des collections, aux intentions curatoriales, et surtout au récit de l’exposition. « Finalement, rien de mieux que de raconter une histoire » rappelle avec justesse un intervenant. C’est d’ailleurs le cas dans de nombreuses expériences de visite mettant en scène des personnages historiques à travers des hologrammes (Abbaye de Villers), ou développant des chatbots (robots conversationnels) pour permettre aux visiteurs de dialoguer librement avec un avatar historique, comme dans l’ambitieux projet du musée archéologique de la Pointe-à-Callière, à Montréal.

Pendant ces trois jours, on aura discuté participation des publics, évaluation sommative, relations des jeunes au numérique, estime de soi et pratiques numériques, le numérique comme opportunité pour développer de nouveaux rapports aux savoirs et à l’expertise dans des musées-laboratoires d’innovation sociale – on aura aussi parlé de nos échecs. Dans une joyeuse catharsis collective, plusieurs d’entre nous ont raconté une « failure story ». Que ce soit dans la confrontation avec des technologies instables ou qu’on ne maîtrise pas en tant que non technicien, jusque dans la gestion parfois calamiteuse de projet, nous nous sommes toutes et tous sentis moins seuls l’espace d’une session ! Merci pour ce moment dont on pourrait s’inspirer dans notre prochain congrès national, à Caen, en juillet prochain…

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