Rayon Science : y-a-t-il une vie (de projet) après le projet ?

Du partage des sciences à l'engagement citoyen - 40 ans de politiques de CSTI
© Association TRACES
Tout d’abord : le projet

Rayon science est un projet mené par TRACES depuis 2018 dans des quartiers « Politique de la Ville » de Paris : Il s’agit d’un centre de sciences éphémère qui s’installe en pied d’immeuble dans un local temporairement désaffecté et muni des grandes vitrines donnant sur le trottoir. Inspiré d’autres expériences comme le Wissens°Raum à Vienne ou Timeless à Londres 1, on y propose des activités scientifiques et numériques gratuites, engageantes, ouvertes à tou·te·s et – à l’exception des activités en lien avec les machines — facilement reproductibles chez soi. 

Chaque édition est une nouvelle expérimentation qui permet de développer de nouvelles pistes, d’incorporer de nouveaux apprentissages, d’aller plus loin dans l’implication des publics et de prolonger les impacts positifs sur les participant·e·s. Les résultats de chaque évaluation sont incorporés directement à l’édition suivante, ce qui rend le projet très expérimental et dans la logique de la recherche-action participative.

Le temps des questions

Classiquement, on distingue la phase d’exécution d’un projet de celle de sa planification, qui la précède, et de celle de sa clôture, qui la suit. Rayon Science présente la particularité d’obliger à penser une conception extrêmement imbriquée, un tissage serré entre l’avant, le pendant, et l’après.

Car nous arrivons dans un quartier en tant qu’association extérieure à l’écosystème local, déjà riche de ses expériences et de ses dynamiques. Comment faire alors pour ne pas être une parenthèse, certes enrichissante, mais hors du temps pour nos publics et pour le quartier ? Que souhaitons-nous laisser après la fermeture du local ? Que sommes-nous en droit de vouloir faire perdurer comme trace de notre passage, dans un quartier dont nous ne serons plus un acteur du quotidien ?

Paradoxalement, l’aspect éphémère du projet, qui est une de ses forces, s’impose aussi comme un point de tension entre la discontinuité apparente de notre venue, et la continuité – dans les effets de notre venue – que l’on souhaite. Si l’on veut s’intégrer réellement au quartier, il faut connaître les acteurs avant notre venue. Si l’on veut que Rayon Science ait des impacts d’une manière ou d’une autre après notre départ, il faut pouvoir identifier où, avec et par quelles associations cela pourra se réaliser.

Ces réflexions qu’alimentent nos expériences avec les participant·es et acteurs locaux nous ont donc mené à identifier comme point crucial celui du lien avec le tissu associatif local.

Travailler avec les acteurs locaux

Pour travailler avec eux, il nous semble important de connaître au mieux les domaines d’actions et d’expertise des structures du quartier, leurs contraintes, leurs horaires, les synergies déjà en place, etc. Et de partager avec elles nos spécificités.

C’est parce qu’il est impossible de fournir tout ce travail relationnel sur le seul temps d’ouverture du local de Rayon Science que toutes les phases du projet s’imbriquent : le pendant ne peut avoir lieu sans les contacts en amont, ni sans avoir pensé l’après, qui doit façonner nos activités afin qu’elles puissent perdurer dans le quartier.

Dans notre cas, au fil des éditions, on s’est efforcé de progresser : d’abord l’inclusion d’un.e médiateur·trice du quartier. Ensuite, des temps d’échanges et de rencontre avec certaines associations locales. Plus récemment, le renforcement du lien avec l’équipe de développement local du quartier, qui a été un élément clé dans certaines réussites de la dernière édition. Ce sont notamment eux qui ont créé le cadre légitime de rencontre avec les autres associations, et ont financé des activités dans le cadre de la « Quinzaine du livre ». Ils nous soutiennent aussi pour une prolongation du projet dans un autre quartier.

Quelle vie après ?

Sans beaucoup de réponses, mais toujours avides de continuer notre recherche dans ce sens, nos réflexions d’aujourd’hui vont plutôt dans la voie de trouver :

  • Quelle est la relation (sa construction et sa teneur) au tissu associatif local d’un quartier dont on n’est pas a priori acteur nous-mêmes ?
  • Les formes sous lesquelles un projet éphémère de la sorte peut infuser dans un quartier même après sa fin, au profit des habitants.

Nous pensons que ces efforts sont loin d’être vains : les jeunes qui reviennent enthousiastes jour après jour, leur appropriation des outils numériques et des contenus scientifiques, leur envie de partage de savoirs avec d’autres visiteurs et visiteuses, les liens de proximité qui se tissent dans le local, la transformation d’un endroit auparavant invisible en un repère pour les habitant·e·s sont autant de raisons qui nous poussent à continuer à la recherche d’idées et à l’échange d’expériences avec d’autres acteurs qui font face aux mêmes défis.

 

1 Pour savoir un peu plus à propos des centres de science éphémères ou « Pop-up science centers » : Dowell, Ellen. Pop-Up Science. London, 2017. Disponible ici : https://www.ecsite.eu/activities-and-services/resources/pop-science

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