Rencontre avec Luc Jacquet

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Mer de Glace 1181 Luc Jaquet wild touch
© Wild Touch - Mer de glace

Passionné de l’Antarctique et réalisateur de films documentaires, Luc Jacquet, avec l’association Wild-Touch, donne vie à plusieurs projets transmédias autour des grands enjeux de la protection et de la conservation de la nature.

Vous êtes issu d’une formation scientifique, quelle a été votre rencontre avec la médiation des sciences ?

Ce qui fait un peu l’originalité de mon parcours, c’est que je suis scientifique avant d’être cinéaste. J’ai étudié la biologie des organismes, orientée environnement et comportement à Lyon. J’ai toujours eu une culture scientifique assez importante que je maintiens aujourd’hui avec des équipes de recherche.

J’ai vécu l’expérience de la médiation scientifique en tant que biologiste pour la première fois en Antarctique. Je me suis aperçu de l’importance de la médiation : le fait de comprendre le fonctionnement d’un écosystème développait la curiosité des visiteurs, leur permettant d’avoir une lecture de l’environnement différente et in fine modifiait leur comportement.

Cette compréhension participe à la définition de la relation entre l’Homme et son environnement. Au-delà de la considération philosophique, cela revêt une importance politique car cette modification de paradigme se traduit par des actes, qui ne sont pas obligatoirement conscients.

Puis, à partir du succès et l’Oscar de La marche de l’empereur, j’ai constaté qu’il y avait énormément de demande de la part de scientifiques de toutes disciplines pour participer à des projets de médiation. J’ai donc réfléchi à la manière dont je pouvais transformer cette énergie positive en énergie agissante, en offrant mes services à la science. Cette démarche est à l’origine de la création de Wild-Touch dont l’objectif est de mettre l’image, le cinéma et le savoir-faire de médiation au service de la grande cause qu’est la réconciliation de l’Homme et de la planète sur laquelle il vit. Cela se décline lors de projets comme « Forêt », « The flow of life », « La glace et le ciel » et « Antarctica »…

Vos films sont d’une grande qualité esthétique, mais ils ont également comme colonne vertébrale une description de l’environnement rigoureuse. Comment articulez-vous ces deux approches ?

La science est la base de mes films, c’est ma matière première. J’y trouve des histoires, des angles, des points de vue parfois. Avec elle, je décuple le potentiel d’émerveillement. En produisant des images de très haute qualité, nous touchons une corde sensible du spectateur, mais c’est à chaque fois pour servir la science. La combinaison des deux approches scientifique et sensible permet de démultiplier l’émerveillement que chacune de ces approches génèrent ! Les publics sont alors touchés profondément dans leur rapport au monde. L’émotion qu’ils ressentent les invite à changer le regard qu’ils portent sur leur environnement, qu’il soit immédiat ou lointain. Plus je décris le réel, plus il paraît fantastique.

L’angle de l’émotion, associé à la connaissance permet également d’éclairer l’histoire de notre pensée. Par exemple, avec La glace et le ciel, j’ai voulu laisser une trace de ce moment charnière de notre histoire collective : le moment où l’humanité a la preuve du réchauffement climatique que ses activités induisent. Claude Lorius est un formidable acteur et témoin de ce bouleversement historique. J’ai cherché à immortaliser ce témoignage pour rendre impossible tout négationnisme… Quand je vois ce qu’il se passe aux Etats-Unis, je suis conforté dans cette nécessité de poursuivre ce genre d’action !

Luc Jacquet, cinéaste ou chef de projets ?

Le cinéma est le média de l’émotion, il permet de réunir des personnes autour du même sentiment. Mais il ne se suffit pas à lui-même. Nous avons très vite fait le choix de prolonger l’intention des films, en utilisant un vaste spectre de supports : livres, plateforme pédagogique, films pour différents publics, réalité virtuelle et expositions immersives. Cette diversité de supports nous permet de toucher différents publics et différents aspects de leur sensibilité.

Je me considère comme étant un médiateur qui met ces images au service de la science. Lors de l’expérience au musée des Confluences autour du projet « Antarctica », nous avons conçu une exposition immersive qui a rencontré un vif succès avec 500 000 visiteurs et une prolongation. La conception de l’exposition en seulement quatre mois a été un vrai challenge pour toute l’équipe du projet. Cela a permis de croiser les usages et les approches, de créer des synergies, même s’il y a parfois eu des débats. C’est un secteur riche en ressources, en créativité et en dynamisme. Pour moi, ça a été la découverte d’un langage jubilatoire dont je mesure à présent le potentiel de créativité considérable !

Nous développons actuellement une nouvelle approche : nous créons la plateforme « Wild-Touch Studio » sur laquelle les images des tournages sont disponibles et utilisables par toutes et tous. Dans un esprit « d’économie positive », nous partageons ces contenus complexes à obtenir avec les structures scientifiques ou de médiation afin qu’elles les utilisent à leur guise. C’est aussi offrir aux publics la possibilité de s’emparer du sujet. En plus de l’approche sensorielle offerte par la beauté plastique des images, de l’approche rationnelle apportée par le contenu scientifique, nous donnons la possibilité d’une appropriation par les publics.

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