La démarche durable et responsable du Muséum de Rouen

Les nouveaux paysages de la CSTI
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Directeur du Muséum de Rouen, Sébastien Minchin présente la démarche qui a guidé le réaménagement de la Galerie des Continents, par les communautés dont sont issues ses collections.

 

Au Muséum d’Histoire naturelle de Rouen, le sens de l’innovation n’est pas passé par un grand projet de rénovation, mais par une suite logique de projets cohérents qui transforment peu à peu l’établissement.

L’ensemble des missions du musée, qu’elles soient de conservation, d’inventaire, de restauration, d’éducation ou de recherche sont déclinées selon le paradigme du « Muséum durable et responsable ». Mis en place lors de la réouverture de l’établissement en 2007, ce projet scientifique est envisagé comme une alternative aux manques de moyens financiers et humains : c’est toujours le même musée, ce sont toujours les même collections et pourtant…

La notion de « Muséum durable et responsable » s’appuie sur un principe simple : il faut se servir de ce qui fait l’héritage de l’établissement, son histoire, ses riches collections mondiales, son esprit du lieu, comme d’une force questionnant sans cesse le 19e et le 21e siècles. Par exemple, en lançant la démarche de restitution de la tête maorie en octobre 2007, nous voulions montrer que les muséums sont des acteurs des questions de société bien au-delà du petit monde des musées.

La restitution de la tête maorie du Muséum n’a jamais été vue comme une fin en soi, mais plutôt comme le début d’une histoire et la volonté de tisser des liens forts avec les communautés autochtones et les autorités néo-zélandaises. Elle se poursuit concrètement par la valorisation des collections ethnographiques de l’établissement selon une approche qui se veut novatrice.

Le Muséum de Rouen possède des collections ethnographiques importantes acquises au 19e siècle. Lors de l’inventaire, nous avons constaté que nous n’avions que la vie et l’œuvre du donateur, rouennais, français et d’aucune façon le sens premier de ces objets au regard de la culture qui les a fabriqués. Aussi, nous avons décidé de travailler directement avec les communautés dont sont issues nos collections et de leur donner carte blanche dans leur valorisation, afin que ceux-ci soient ambassadeurs de leurs cultures.

Chaque communauté choisit parmi nos collections les objets qui lui paraissent importants au regard de leur propre culture. Les différentes communautés définissent les thématiques, rédigent les textes et valorisent artistiquement ce travail de coopération au sein de la Galerie des Continents.

À partir de 2011, nous avons travaillé sur les collections ethnographiques d’Océanie, en nouant des liens avec le Musée national Te Papa Tongarewa de Wellington en Nouvelle-Zélande, et les communautés maories. Ces partenaires ont sélectionné les objets, défini les orientations, et pris la parole pour expliquer l’importance des objets au regard de leur culture. La muséographie pour ce continent est l’œuvre de George Nuku, artiste maori, qui présente les collections avec son regard et sa sensibilité.

Nous avons poursuivi nos actions sur le continent océanien en accueillant Mundiya Kepanga, chef de tribu des Hulis de Papouasie. Depuis 2007, l’amitié entre l’établissement rouennais et la tribu des Hulis s’ancre dans des échanges liés au patrimoine, à la mort, aux revendications autochtones. Pour Mundiya, qui risque sa vie constamment dans son pays, le patrimoine est réservé aux riches. Sa culture et ses traditions disparaissent peu à peu, sous les actions de la mondialisation. Aussi, au nom de son village, il nous a offert sa parure complète en 2012. Nous travaillons aujourd’hui au montage d’un projet humanitaire en collaboration avec le Centre Hospitalier Universitaire, l’École de médecine et l’Espace Régional de Formation des Professions de Santé (ERFPS) de Rouen, avec l’objectif d’amener l’eau potable au sein du village.

Depuis octobre 2014, nous travaillons sur les collections ethnographiques asiatiques selon le même objectif. Nous travaillons directement avec l’Indonésie, Surabaya et deux artistes indonésiens, Agus Koecink et Jenny Lee. Ils ont choisi les objets à présenter, co-écrit les thématiques et les textes et eu une totale liberté dans la valorisation et la scénographie du continent. Selon le même principe, et dans un futur proche, le Muséum présentera les collections ethnographiques des Amériques et d’Afrique toujours au sein de la Galerie des Continents.

L’atmosphère de cette galerie est étonnante, car chaque artiste a su mettre son art au service des objets pour en faire des ambassadeurs et donner une ambiance multi-culturelle. Le Muséum devient ainsi un vrai lieu de vie et de débat où le visiteur croise une délégation maorie en grande discussion avec un artiste indonésien et un chef de tribu papou. C’est toute la philosophie d’un « Muséum durable et responsable ». Les sociétés évoluent, le musée aussi.

 

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